lundi 26 novembre 2012

19è édition des Chanteurs de Rue de Quintin 2012 (II).




19è édition des Chanteurs de Rue de Quintin 2012.

Toutes les images appartiennent à la 19è édition du Festival.


Lila Sol, Palme d'Or 2012.
   La chanson traditionnelle française a été honorée dans les rues de Quintin, petite cité de caractère du Centre Bretagne dans les Côtes d'Armor, les 10 et 11 novembre 2012, weekend de la Saint-Martin, par des chanteurs venus de toute La France. La chanteuse Lila Sol de Tornac (30) a remporté la Palme d'Or de cette 19ème édition du Festival des Chanteurs de Rue. Ce festival est organisé par la mairie de Quintin depuis 1993. Dans le Festival Off, 40 participants se produisent dans les rues et chapiteaux. Pour le Festival In, 10 chanteurs professionnels participent sans sono en concours. Le jury a décerné la Palme d'Argent au couple parisien Ada et Dourakine, (qui a reçu aussi le Prix du Public) et la Palme de Bronze a été pour Monsieur Léo de Morlaix (29). Le jury a décerné un Prix Spécial à « Placid Muzette » de Fresnes (94).






Claude Michel chante au chapiteau.
 
 
Le jury 2012 était composé par le Président Yvon ETIENNE, animateur sur Tébéo et les membres Morgane URVOY, Maximilien JOUAN, Jean BRIENS et Gérard DENIAUX.

Les candidats aux prix du jury étaient aussi Claudius Binoché (36) de Brives, Placid Muzette de Fresnes (94), Chansons en Cartons de Théys (38), Les Ex-Poirs de Pordic (22), Armelle Caro de Treffendel (35), Raoul Brin d'amour de Paimpol (22) et Les Zinzins Cognitos de Poinconnet (36).



Mais, comment est-on arrivé à chanter dans la rue?

Voici un peu d'histoire sur les chanteurs de rues en France. 
Le texte qui suit est un résumé de la magnifique étude publiée par Arnaud Moyencourt en Juillet 2012 consultable sur sa page facebook et aussi à l'adresse: 
http://www.ritournelles-et-manivelles.org/docs/Grande_histoire_des_musiciens_v2.pdf.




L'orgue de barbarie, l'instrument utilisé
par les chanteurs de rue.
Ci-dessus, participation de "Chansons en Cartons" de Théys (38).
Qu'est-ce qu'un Orgue de Barbarie? 
D'après l'Encyclopédie des Gens du Monde, l'Orgue de Barbarie est un petit orgue portatif  à cylindre. Le musicien fait tourner une manivelle mettant le soufflet en mouvement en même temps que tourne un cylindre sur lequel sont placés des crans. Ceux-ci remplacent les doigts de l'exécutant et font lever une bascule qui permet à l'air de s'introduire dans les tuyaux comme dans un orgue normal d'église. Auparavant, il y avait des orgues appelées Serinettes ou Merlines, qui étaient utilisées pour apprendre des airs aux oiseaux, et c'était des instruments du même genre, mais beaucoup plus petits.


Participants du Festival des Chanteurs de rues à Quintin.
On ne connaît pas l'origine de l'Orgue de Barbarie, mais l'Encyclopédie des Gens du Monde situe son origine pas loin de France, peut-être en Italie ou en Allemagne. Il arrive en France au XVIIIè siècle et était utilisé par les musiciens et aussi par les camelots bonimenteurs [Mangin, marchand de crayons, Claude Cote, vendeur de pipes antinicotine]. Les invalides de guerre, suite aux campagnes napoléoniennes, avaient le choix entre une maigre pension, ou se produire dans les rues à l'aide d'un orgue de barbarie. 
A l'époque, ces instruments étaient très délicats et lors même qu'ils venaient d'être fabriqués, pouvaient se dérégler par les variations de la température, et créaient alors un drôle de bruit : peut-être ce drôle de bruit ne pouvait être autre chose qu'un son provenant de "Barbarie", nom sous lequel on les désigne habituellement.






Participation d'Armelle Caro, de Treffendel (35).
La plupart des chansons que les chanteurs de rue interprètent aujourd'hui appartiennent au XXème s. Seulement très peu d'artistes de rues ont des répertoires particuliers : chansons bachiques, chants de marins, chansons pour enfants, titres de folklore régional, dont certaines origines remontent au Moyen-Age…
Ces musiciens ont toujours subi un contrôle répressif sur leur activité en tant que musiciens de rue. Du XVIIème s. au XXème s., de multiples règlements et fichages encadrent rigoureusement le métier : identification des artistes, imposition d'un périmètre d'activité ou d'un itinéraire, le contenu des écrits était soumis à diverses commissions. Les pouvoirs de ces commission sont sans cesse renforcés tout au long du XIXème s., car les contrevenants sont nombreux : les "papelards" se soumettent en bons marchands à ces règlements, mais les artistes auteurs de chansons ne se plient pas si facilement à l'autorité. 





L'accès au festival est gratuit pour le public.
Auparavant, on appelait dans le Sud de la France troubadours aux jongleurs qui chantaient et trouvères ces jongleurs aussi qui chantaient mais qui habitaient dans le Nord. Les jongleurs forment partie d'un grand groupe avec les bateleurs et autres artistes, jouant d'un instrument de musique. Jusqu'au XVIIè siècle, ils utilisent la flûte, le hautbois, la cornemuse, la vielle, le violon, les percussions pour accompagner les fêtes et cérémonies locales : naissances, mariages, enterrements, tournois, foires, etc. Si les artistes jouent en groupe, on parle alors de ménestrandise. Ils vendent des chansons : en 1600, lors de la construction du Pont-Neuf à Paris, les textes imprimés se multiplient, sans qu'il y ait pour autant une majorité qui sache lire. Ce sont les chanteurs de rue qui vont les divulguer.





Défilé à Quintin: Musique traditionnel bretonne.
 
 
Leur répertoire est composé de « cantiques » ou de « chansons nouvelles », de chansons grivoises ou bachiques, de complaintes et de complaintes judiciaires. Cette tradition a son origine au Moyen Âge, car les pendus, les roués ou les personnages illustres passant par l'échafaud avaient droit à une mort rimée et chantée.




Claudius Binoché, de Brives (36).
A Paris, en 1321, la "Confrérie St-Julien des Ménétriers" s'était approprié la Rue des Jongleurs, [Rue des Ménétriers vers la fin du XVème s., puis Rue Rambuteau] où ils avaient le droit de jouer de la musique pour les fêtes, noces et entrées royales. Face aux Musiciens du Roi qui ne jouent qu'en salle, la Confrérie St-Julien a le monopole de la rue, à Paris comme en province.





Musicien de rue à Quintin.









 
 
Depuis 1395, les musiciens de rues bénéficient d'une réglementation spécifique. L'ordonnance du Prévôt de Paris oblige « de ne rien dire, rien représenter ou chanter sur les places publiques ou ailleurs, qui puisse causer scandale à peine d'une amende de deux mois de prison au pain et à l'eau". 













    
       Groupe de musiciens du festival de Quintin.           
     
Musicarue, Palme d'Or 2010.
Le Code de la Librairie de 1618 impose un prix de vente de ces chansons que "les colporteurs ne pourront faire imprimer en leurs noms ni à leur compte", en outre, "il est d'usage que l'imprimeur qui imprime leurs chansons ne les tire pas à moins de 12 pages".
En 1635, le Règlement affirme : "Sont faites défenses à tous les chanteurs de chanson de s'arrêter en aucun lieu et de faire assembler du peuple". Et en 1651 : "Sera puni du fouet l'auteur ou le chanteur de couplets jugés diffamatoires".

Étant donné que les trottoirs n'existaient pas avant 1606, [ils apparaîtront en France avec le Pont-Neuf à Paris], et que les rues sont étroites et très encombrées, les chanteurs doivent s'installer sur les carrefours, ou sur quelques places et ponts [Pont-Neuf particulièrement] lieux favorables à leurs activités.











Le duo "Placid Muzette" de Fresnes (94).
Prix spécial du jury.
Ils jouent de l'orgue de barbarie et de la scie.
En 1793, DANTON intervient à la tribune de la Convention pour appuyer la pratique de 1'Orgue de Barbarie, car le chant accompagné de cet instrument populaire et publique est soumis au contrôle et à la censure des autorités. :

"Citoyens", disait-il, "J'apprends qu'on veut empêcher les joueurs d'orgue de nous faire entendre par les rues leurs airs habituels. Trouvez-vous donc que les rues de Paris sont trop gaies ? Trouvez-vous que le peuple de Paris ait trop de chansons aux lèvres ? On nous conteste bien des libertés. De grâce, laissez-nous la liberté de I'orgue de Barbarie, la liberté de nos refrains, la liberté de la chanson ! ..."







Kiosque à café.
Les textes jusqu'au XVIIème s. n'attaquaient pas le pouvoir, mais bientôt, les paroles deviennent plus importantes que la musique et avec le Pont-Neuf en 1606, des marchands de chansons apparaissent. Désormais, « Pont-Neuf » sera le nom que la chanson populaire prendra si elle a été créée et diffusée à cet endroit. 

Quelques artistes de cette époque nous sont connus : Philippot le Savoyard, chanteur de farces et de grivoiseries vers 1650, Charles-Nicolas COCHIN, chanteur de cantiques en 1742 ou Ange PITOU chanteur royaliste vers 1790.









Raoul Brin d'Amour, de Paimpol (22).
Les musiciens ambulants auront comme mission aussi de faire connaître l'actualité politique sur tout le territoire français pendant la période de la Fronde [1648-1653]. Des écrits, la plupart anonymes et moqueurs, apparaîtront afin de combattre les protagonistes au pouvoir en place. Retz et La Rochefoucauld sont les auteurs de quelques textes qui circulent. A cause de ce contenu politique et social, un Arrêté du 23 Ventôse an II [13 Mars 1794] fera savoir : "La Convention ne tolère plus que les chansonniers patriotiques dont les emplacements sont attribués autoritairement".











Installation d'un pressoir à cidre.
Au XIXème siècle, la lutte ouvrière fait apparaître les Goguettes. Ce sont des chambres dans les arrières-salles des cafés aménagées pour les rencontres ouvrières afin de composer des chansons, utilisant un double-sens en faveur de leur revendications politiques. Des auteurs célèbres de cette époque ont composé leurs textes dans les Goguettes : Émile DEBRAUX, Charles GILLE ou Charles COLMANCE. Adolphe THIERS fréquentait le cabaret de la Mère Saguet vers 1825. A partir de 1820, chaque café à Paris avait une goguette. Napoléon III interdit les goguettes en 1851 et disparaîtront partiellement.
 
 
 
 
 

Les mules font tourner le pressoir à cidre.













Pressoir à cidre.

 
 
 
 
En 1814, le chanteur de rues est obligé de déposer un exemplaire de leur répertoire à la Direction Générale de la Librairie, et de garder sur lui un exemplaire visé par la préfecture de police. Une obligation un peu floue permettant au pouvoir une interdiction subjective. Chaque recueil autorisé était timbré par cette "commission de colportage". 


Monsieur Léo, de Morlaix (29).
Palme de Bronze.
La pratique de l'orgue de Barbarie sera officielle en 1816 par une Ordonnance de la Préfecture de Police de Paris du 4 Juillet : "A dater d'un mois après la publication de la présente Ordonnance, personne ne pourra jouer de 1'orgue dans les rues et places publiques de Paris ou des Communes rurales du ressort de la Préfecture de Police, qu'il n'en ait obtenu de Nous la permission , laquelle sera renouvelée tous les ans. 










Le défilé cette année a été consacré au blé noir.
A l'avenir, aucune permission ne sera renouvelée ou accordée que sur un certificat de bonne vie et moeurs délivré, a Paris, par un Commissaire de Police, et dans les Communes rurales, par le Maire, sur la déclaration de deux témoins domiciliés. Tout individu , ayant la permission de jouer de 1'orgue dans les rues et places publiques de Paris ou des communes rurales du ressort de la Préfecture, sera tenu d'avoir une plaque où sera inscrit le numéro de sa permission. Cette plaque devra être portée ostensiblement et de manière à être facilement aperçue. L'orgue devra porter le même numéro. Aucun joueur d'orgue ne pourra chanter d'autres chansons que des ariettes ou vaudevilles extraits des pièces de théâtre représentées".








"Les Zinzin Cognitos de Poinconnet (36).
Afin de contrôler la divulgation des "textes subversifs", en 1821, l'Etat veut recruter des musiciens-chanteurs de rues, mais cette mesure n'aura aucun écho. La police continuera sa traditionnelle surveillance des auteurs-compositeurs, des éditeurs et des imprimeurs. Le chanteur Pierre-Jean de BERANGER qui aura l'audace de dénoncer sans encombre les hommes politiques, la bourgeoisie et l'église, sera sanctionné pour ces recueils en 1821 et en 1828.





Le duo franco-russe "Ada et Dourakine", de Paris (75).
Palme d'Argent et Prix du Public.
 
Maurice LACHATRE, éditeur et imprimeur républicain engagé, instaura en 1849 un "plan de propagande socialiste par voie de complaintes, de romans et d'orgues de Barbarie" et appela des camelots et des artistes de rues à des fins de propagande. De cette manière, les chanteurs divulguèrent, tels des journaux parlants, les célèbres "grandes affaires" du canal de Panama [1889-1893], et l'affaire DREYFUS [1896-1899]. 






Anciennes voitures dans les rues de Quintin.
De nombreuses chansons étaient chantées dans les rues pour réveiller les esprits de la population. A cause du succès de cette initiative, les camelots et les imprimeurs devinrent prospères, comme fut le cas de Napoléon HAYARD, dit l'empereur des camelots, chanteur et imprimeur en même temps. Cet empereur des camelots, utilisera les camelots aussi pour diffuser des chansons de propagande à forte connotation antisémite de 1880 à 1903. Dans un but commercial et sans aucun scrupule, durant ces "affaires" de la fin du XIXème s., les camelots furent utilisés par les partisans des ces affaires pour vendre leur propagande, ou assurer une présence lors des manifestations locales ! 






"Ada et Dourakine", de Paris (75).
Palme d'Argent et Prix du Public.
Le Préfet de Police de Paris G. Delavau adresse une lettre aux commissaires de Police le 6 avril 1822 pour leur communiquer son idée de « faciliter la surveillance » des Chanteurs et Joueurs d'orgue. Il précise que "Les Chanteurs [dont le nombre n’excède pas 40] chantent des chanson composées, dont les recueils, presque toujours sous un même format, auront été soumis à un examen à ma Préfecture. Tout Chanteur est tenu, aux termes de sa Permission même, de ne jamais circuler, vendre, proposer ou chanter de chanson, sans en porter sur lui un exemplaire visé à ma Préfecture, [les recueils seraient en outre paraphés sur toutes les pages], afin de pouvoir le produire à toute réquisition. Les Joueurs d’orgue ne peuvent chanter que des ariettes ou vaudevilles extraits de pièces de Théâtres représentées, et les recueils imprimés qu’ils débiteraient ou proposeraient, ne pourront contenir autre chose que les paroles de ces ariettes ou vaudevilles".








"Ada et Dourakine", de Paris (75).
Palme d'Argent et Prix du Public.
Sera le célèbre chanteur et imprimeur AUBERT [puis son fils] qui aura le monopole pendant trente ans d'apposer le visa sur toutes les chansons qui lui seront soumises, fournissant en chansons "officielles" tous les colporteurs, chanteurs et marchands de chansons durant cette période.
La Préfecture de Police, en 1831, avait recensé à Paris 271 musiciens ambulants, 220 saltimbanques, 106 joueurs d'orgue de Barbarie, et 135 chanteurs, un groupe qui montait à 732 artistes. Ce n'était pas par hasard si le pouvoir avait peur de ces animateurs de rues. Par contre, la population les aimait, car ils étaient les messagers de l'actualité en chantant les chansons interdites.













Annick Guyomard et son accordéon, la plus ancienne participante,
Nini Peaud'Chien, chapeau mauve,
et l'Amanite, jupe à pois, participant
au défilé dans les rues de Quintin.
En 1813, l'Ordonnance du 14 décembre 1831 encadre « Les Saltimbanques, Chanteurs, avec ou sans instrumens, les Bateleurs, Escamoteurs, Baladins, Joueurs d’orgues, Musiciens ambulans, et Faiseurs de Tours sur la voie publique", limitant le nombre d’emplacements à 26… sauf pour les joueurs d’orgue de barbarie, qui peuvent "circuler en tous temps, et jusqu’à 10 heures de la nuit dans les rues de la Capitale ». 










Défilé sur les rues de Quintin.

En 1834, la Loi de Louis-Philippe, Roi des Français, précise que "Nul ne pourra exercer, même temporairement, la profession de crieur, de vendeur ou de distributeur, sur la voie publique, d’écrits, dessins et emblèmes imprimés, lithographiés, autographiés, moulés, gravés ou à la main, sans autorisation préalable de l’autorité municipale. Cette autorisation pourra être retirée. Les dispositions ci-dessus sont applicables aux chanteurs sur la voie publique". Cette mention "Loi du 16 février 1834" est estampillée sur toutes les médailles-plaques de métiers en cuivre que doivent porter les chanteurs de rues.










Rue de Quintin pendant le Festival.
 
 
Pour donner une bonne image de Paris, en 1839 les handicapés sont exclus de l'activité artistique publique par le Préfet de Police G. Delessert « les Joueurs d’orgue, Musiciens ambulants, Saltimbanques ou Chanteurs, infirmes, estropiés ou cul-de-jatte ».
Ces artistes auront une carte d'identité ou plaque de métier appelée aussi "médaille", pièce obligatoire qui permettra à la préfecture de police de contrôler la prolifération des "petits métiers de la rue" du début du XIXème s. jusqu'à la Seconde guerre mondiale. Dans le département de la Seine, en 1853, une ordonnance de la Préfecture de Police de Paris du 4 décembre adressée aux saltimbanques, joueurs d’orgue, musiciens ambulants, chanteurs et autres industriels de cette nature, renforce le contrôle de l’identité des artistes et la nature de leurs répertoires. 





Défilé d'anciennes voitures
dans les rues de Quintin.
Désormais, leur activité est limité à un nombre d'emplacements : Saltimbanque : 55 emplacements ; joueur d’orgue : 64 emplacements ; chanteur : 26 emplacements ; musicien ambulant : 64 emplacements. Tous les préfets des départements sont invités à faire appliquer ces mesures sur l’ensemble du territoire. Mesures qui furent contestées par les nombreuses lettres de préfets et de maires adressées aux pouvoirs parisiens expriment leur désaccord ainsi que la difficulté d'appliquer ces mesures.













La musicienne Annick Guyomard, participante
depuis la première édition,
remporta la palme d'or en 1993.
A l'occasion de l'exposition universelle, énormément d'artistes ambulants arrivèrent à Paris en 1867. En 1870, il y avait à Paris 3000 musiciens italiens et les autorités cherchaient des mesures « efficaces » afin de réduire ce grand nombre. Les responsables décidèrent d'expulser les mineurs des ces artistes italiens "pour leur bien", sachant en même temps que les familles d’artistes ambulants s'opposeraient à l'abandon de leurs enfants et les accompagneraient dans leur voyage en Italie. A cet effet, le Chef de la 1ère Division Lecour de la Préfecture de Police de Paris adressa une lettre à Monsieur le Chef de la Police Municipale du 14 novembre 1874 :











Défilé de vieux métiers sur les rues de Quintin.
"Dans le but de réprimer l’exploitation au point de vue de la mendicité des jeunes Italiens comme musiciens ou chanteurs ambulants, le Parlement Italien a édicté le 21 décembre 1873 une loi dont les articles 10 et 11 contiennent les dispositions suivantes :










Costumes traditionnels bretons.
Art. 10 Ceux qui tiennent près d’eux à l’Etranger de jeunes Italiens âgés de moins de 18 ans employés à l’exercice des professions vagabondes devront, sous peine d’une amende de 100 à 300 francs, le déclarer aux représentants diplomatiques ou consulaires du royaume d’Italie, faire rapatrier eux-mêmes à leurs frais ces jeunes gens, ou s’ils ne le peuvent faire, les mettre à la disposition de l’Ambassade ou du Consulat qui pourvoiera à l’exécution de la mesure dont il s’agit.












Défilé costumé années 1920.
 
 
Art. 11 Les représentants du royaume d’Italie à l’Etranger devront dresser d’office une liste des mineurs italiens qui s’y trouveraient employés dans les professions vagabondes. Le gouvernement Italien, par l’intermédiaire du Consulat Général d’Italie, a demandé le concours de l’administration française pour l’accomplissement des mesures dont il s’agit, et il a été entendu que tous les enfants Italiens âgés de moins de 18 ans, que l’on rencontrerait dans le ressort de la Préfecture de Police, munis d’un instrument de musique, qu’ils soient ou non en état de mendicité, seront immédiatement arrêtés et conduits devant le Commissaire de Police du quartier ou de la circonscription, lequel après interrogatoire portant sur l’Etat-civil de ces enfants et sur les noms et demeures de leur exploiteur, les dirigera sur le dépôt près la Préfecture de Police, d’où ils seront ultérieurement conduits devant Monsieur le Consul Général d’Italie". 




Enfants participant au défilé costumé.
Les joueurs d'orgue de barbarie purent s'installer librement dans les rues sans aucune contrainte de juillet 1816 à novembre 1853. Plus tard, ils pourront aussi travailler sur une centaine d'emplacements dans tout Paris et sur le territoire national plus tard : 26 pour les chanteurs et 64 pour les joueurs d'Orgue, tirés au sort chaque semaine par les artistes autorisés.
La chanson de rue jouit d'un remarquable succès vers la fin de XIXè siècle, où 10.000 chansons furent imprimées par an et divulguées par une multitude d'artistes tels des vendeurs-chanteurs et des « papelards », ceux-ci étaient des vendeurs de chansons qui ne chantaient pas [camelots vendeurs de papier].






Défilé d'anciennes voitures dans les rues de Quintin.
Les chanteurs de rues allaient chercher leurs chansons à Paris chez des éditeurs tels Victor-Ludovic VIEILLOT, rue Notre-Dame de Nazareth ; chez Louis-Charles DURAND, lui-même chanteur de rues, dans sa "Librairie chansonnière" du 32, rue Rambuteau ; ou chez Henri PIAUD, à sa libraire rue Beauregard, qui aimait aider les auteurs qu'il publiait et qui fut appelé "Le St-Vincent de Paul des chansonniers".
Vers 1880, les répertoires des chanteurs de rues changent de nature et passent de la chanson classique à la chanson réaliste, préférant les sons plus modernes du Music Hall et du Caf'Conc'. Ils mettent à jour leurs répertoires influencés par les disques vinyle qui ont popularisé la chanson davantage.







Défilé de musiciens dans les rues de Quintin.
Des chansons telles « Craonne », appelant à la désertion durant la I guerre mondiale, « Le déserteur », pendant la guerre d'Algérie, « Adieu cher camarade » ou « Fais-moi mal, Johnny » [1953] seront interdites. Dans chaque conflit où la France intervient, les chanteurs appellent à la désertion et subissent les sévisses de l'autorité.
En 1881, le chanteur commence à devenir de plus en plus célèbre et le public se rend dans les salles. C'est pourquoi, les chansons ont du mal à passer dans les rues. 







Le duo "Les Ex'Poirs" de Pordic (22).
En 1901, il y a 8.372 médailles de marchands de quatre-saisons, en 1905, 2.355 médailles de camelots sous forme d'autorisations d'étalage, et même les biffins [chiffonniers] bénéficiaient de ces plaques, assorties d'une autorisation sur un périmètre déterminé [encore en usage dans les années 1930]. La plus ancienne permission date de 1869 pour le Père Séguin, « Doyen des joueurs d'orgue », car Paris entre l'époque de la Commune de 1871 et 1974 n'aura pas de maire « central » élu car le pouvoir craint les possibles insurrections.






La vertu de la musique: nous rendre heureux.
En 1904, voit le jour le « Syndicat des Musiciens et Chanteurs Ambulants » jusqu'en 1928, qui sera remplacé en 1930 par le « Syndicat des Chanteurs et Musiciens Populaires » jusque dans les années 1960. Il comptait avec 150 adhérants, dont 50 chanteurs. Le syndicat réclame les emplacements et négocie les tarifs vendus par les artistes sur la voie publique.
Une décision prise en 1908 réveillera la colère chez les joueurs d'orgue de Barbarie. Le Petit Journal rapporte une interdiction de l'orgue de barbarie par le Préfet LEPINE. Les musiciens distribueront une pétition afin de sauvegarder leur profession :





Le public participe aussi au chant
avec les musiciens et les marionnettes.
"Un type populaire qui disparaît : le joueur d'Orgue de Barbarie. M. Lépine vient de prendre une mesure qui désolera ceux - et ils sont encore nombreux dans notre grand Paris - qui sont restés fidèles aux traditions de leur enfance. Le Préfet de Police a en effet, décidé qu'il ne serait plus accordé de nouvelle permission de jouer de I'orgue de Barbarie dans les rues de la Capitale. Bien entendu, les anciennes autorisations sont maintenues, mais elles sont peu nombreuses, et la disparition de leur titulaire n'est plus qu'une affaire de temps, tant les moeurs se sont modifiées, depuis quelques années, chez nous. On se demande, en vérité, quelle est la raison de cette sévérité à l'égard des pauvres vieux joueurs d'orgue qui vont semer un peu d'harmonie à travers les quartiers populeux. Les joueurs d'orgue, en effet, ne sauraient mériter tant de rigueur..." 




Le drapeau breton.
A la fin de la I guerre mondiale, ces petits métiers de la rue dans leur ensemble seront tolérés pour maintenir la paix sociale parmi les catégories pauvres de la population. L’Etat, au début du XIXè siècle avait déjà entamé un stricte contrôle des artistes de rues par leur nature itinérante et nomade, appelés aussi "gens du voyage". Dès 1926, ils seront obligés d'avoir un Carnet de Chanteur Ambulant, comportant parfois des photos anthropométriques et des indications de "teinte de peau", très similaires au "carnet anthropométrique d'identité" des nomades, institué par la loi du 16 juillet 1912. Ils étaient aussi visés par les autorités par leurs répertoires jugés "subversifs" qu’il faut censurer. Ces répertoires devront faire l’objet du visa préfectoral ou municipal jusqu’en 1979.






Danse bretonne pendant le défilé
sur les rues de Quintin.
Le « Carnet de musiciens et chanteurs ambulants » actuel [2012] date de 1926, et fut modifié en 1981 et 1997 par l'Ordonnance du 3 Mai 1926 du Préfet MORAIN: "Les autorisations ne pourront être délivrées qu'à l'occasion des fêtes publiques et des fêtes foraines, sans donner admission à celles-ci. Les autorisations seront établies aux frais des titulaires sur un carnet spécial où sera apposée leur photographie. Le texte des chansons devra être préalablement soumis au visa de la Sous-Direction administrative de notre Cabinet. Les chanteurs et musiciens devront toujours être porteurs d'un exemplaire de leurs chansons revêtu de ce visa pour être représenté à toute réquisition des agents de I'autorité".








Filles habillées en costumes traditionnels bretons.
 
 
En 1981, cette ordonnance de 1926 limite la pratique des artistes de rue sur cinq emplacements pour tout Paris : le parvis du Centre Georges Pompidou, le Square des Innocents, la Place des Verrières du Forum des Halles, la dalle supérieure du Forum des Halles, la Place St-Germain des Prés. A la fin de années 1970, le Métro de Paris avait autorisé les artistes dans les couloirs [65 places en 1977], les interdisant l'accès aux rames. 


Joueur d'orgue de barbarie.
En 1994, la Préfecture de Police de Paris supprime toutes les autorisations des musiciens et chanteurs de rues, estimant que l'activité de musicien ou chanteur ambulant fait désormais partie du passé. Des autorisations exceptionnelles seront régulièrement données aux artistes de rues, leur permettant d'exercer pour un an sur tout le territoire de la ville.






Défilé de vieux métiers:
éleveur d'oies et ses enfants.
Durant l'été 1994, des musiciens de rue proposeront en commun une pétition accompagnée de plus de trois mille signatures de commerçants, riverains et badauds des quartiers où ils se produisent. Cette pétition sera appuyée par l'association "Ritournelles et Manivelles" créée le 14 juillet 1995. La population et les médias soutiennent mordicus la pétition, obligeant à changer la réglementation de 1997. La réglementation actuelle est toujours basée sur l'ordonnance de 1926, modifiée par l'arrêté préfectoral de Février 1997 :




Crêperie "Le vieux chaudron".
 
 
"L'article 2 de 1'ordonnance du 3 mai 1926 est complété comme suit : Les chanteurs et les musiciens ambulants souhaitant se produire sur la voie publique peuvent bénéficier d'autorisations individuelles, établies à titre précaire et révocable, sous réserve que leurs activités soient exercées dans les conditions suivantes :

Vieux métiers: les lavandières.
1'autorisation précisera le périmètre géographique a 1'intérieur duquel elle est valable,
les diffusions musicales ne pourront avoir lieu qu'entre 10H et 20H, 1'autorisation précisant, le cas échéant, la plage horaire et les jours permis,
toutes dispositions devront être prises par les musiciens et chanteurs ambulants afin de ne pas apporter de trouble à la tranquillité publique et de gêne à la circulation générale,





Vieux métiers: sciage de bois.
il ne devra pas être fait usage d'appareils et dispositifs de diffusion avec amplification du son ou d'instruments à percussion métallique ou à peaux,
1'intensité des émissions musicales devra être compatible avec les dispositions du décret n° 95-408 du 18 avril 1995 susvisé et 1'article R 48-2 du code de la santé publique,








Groupe de chanteurs.
aucune installation autre que les instruments de musique autorisés ne devra être mise en place sur le domaine public,
ces prestations ne pourront donner lieu à aucun acte de commerce.








Percussionniste original.
Les autorisations individuelles sont délivrées pour une durée maximale d'un an renouvelable. Elles pourront être rapportées à tout moment si leurs bénéficiaires ne se conforment pas aux prescriptions susvisées".
"Ritournelles et Manivelles" s'est étendu à d'autres pratiques musicales intégrant le répertoire des chansons et musiques de rues. Cette nouvelle réglementation par la Préfecture de Police est une reconnaissance implicite de cette activité publique depuis le XIVème s. L'activité en tant que métier est reconnue et place néanmoins les artistes dans des emplacements fixes que les chanteurs n'aiment forcement pas. C'est pourquoi, les musiciens demandent aujourd'hui :







Signature d'autographes.
- Une tolérance pour les musiciens et chanteurs itinérants ou occasionnels.
- Des autorisations annuelles renouvelables à 1'image de celles qui existaient jusque dans les années 1990, pour les artistes dont c'est la principale activité.
  • Un réel dialogue avec la Préfecture de Police, que nous n'avons jamais pu rencontrer.






Participation du duo franco-russe
 "Ada et Dourakine" de Paris (75).
Palme d'Argent et Prix du Public.

La 20ème édition sera organisée en 2013. 
Soyez au rendez-vous pour la Saint-Martin à Quintin !!


Images prises le 10 et 11 novembre 2012 à Quintin (22).


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©Productions José María Gil Puchol.

Photographe à Loudéac.

FRANCE
 
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Sanctuaire Notre-Dame de Lourdes:

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"L'Abbaye de Beauport"

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"La Corbinière des Landes"

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MES PUBLICATIONS CHEZ edilivre.com

"La tranchée des bagnards, L'Abbaye de Beauport, Les monuments mégalithiques en Bretagne, La Vénus de Quinipily."