dimanche 17 août 2014

La caravane de la Libération à Saint-Brieuc (22).















La caravane de la Libération parcoure tous les ans le trajet Avranches-Brest afin de commémorer la libération de la Bretagne suite au débarquement des troupes alliées le 6 juin 1945 sur les plages françaises de Normandie. Un groupe d'amis collectionneurs d'anciennes voitures de guerre a créé le Military Vehicle Conservation Group afin de remémorer ce trajet avec la participation de bénévoles habillés en tenu d'époque. 










 





Ces collectionneurs d'anciennes voitures militaires parcourent le même chemin emprunté par les GI américains de la Manche vers le Finistère. Le but de cette caravane est de reconstituer l'arrivée des troupes américaines dans les villes libérées avec la participation d'anciennes voitures de guerre. Ce jour 6 août 2014, ils sont arrivés en fin de matinée rue de Gouédic à Saint-Brieuc. Ensuite, ils ont assisté, avec la participation des autorités de la ville et militaires, à une cérémonie au Monument aux Morts.















 
Le maquis était un groupe armé paramilitaire créé pour combattre les Allemands. En Bretagne, notamment dans le Finistère, les maquisards étaient en nombre d’environ 3.500 hommes, dont 2.000 armées lors de l’été 1944.

Sur la côte nord bretonne, la tradition a voulu que les marins et les corsaires aient été des forces acceptées par le pouvoir royal lors des guerres contre les Anglais. Ces guerriers hors la loi ont joué un rôle important lors des conflits internationaux de sorte que la Bretagne conserve toujours cette fidélité de combattant. Ce n’est pas par hasard que pendant la période de la 2nde guerre mondiale (1940-1944) le courrier de l’armée des forces de la résistance adressé aux combattants français en Angleterre, était pris en charge par le maquis breton. Acheminé par les Côtes-d’Armor, le courrier était transporté par les bateaux de pêche à travers le canal de la Manche.    















Les Bretons étaient très bien informés du jour J lors du débarquement allié sur les côtes françaises en Normandie. Ils seront nombreux à débarquer avec les Américains et les Anglais. S’engager dans les actions de guerre ne va pas sans risque, bien sûr, car le coût c’est la vie si on se fait arrêter par les Allemands. Certains maires ont payé cher leur participation dans la résistance. C'est fut le cas de Pierre Guéguin, de Concarneau, fusillé par les Allemands, ou Louis Méhu, de Plomeur, Alain Budes de Guébriant, de Saint-Pol-de-Léon et tant d’autres qui ont donné leurs vies pour la liberté de la France.  













 
Les parachutistes S.A.S français allaient intervenir sur le territoire breton sous différentes missions : la mission "Cooney" et l'opération "GROG" afin d’installer deux bases SAS. : "Samwest" dans les Côtes-du-Nord et "Dingson" dans le Morbihan.

Au moment de l’occupation allemande, Saint-Brieuc, qui avait 40.000 habitants en 1940, était dans une zone délimitée par les Allemands dite la zone côtière interdite. Un  « laissez-passer » était nécessaire pour traverser ce territoire et les Allemands prenaient en otages ceux qui n’avaient pas de papiers pour les échanger ou les exécuter en cas de vengeance. 














La Kommandantur ou bureau des officiers allemands était installée à l’hôtel qui se trouvait sur le Champ de Mars à Saint-Brieuc.  Au tout début de la guerre, les effectifs allemands étaient composés de 300 individus à peu-près, des russes blancs inclus, appartenant à l’Armée Vlassov. On appelait les Allemands les « dorifors », les « frisés » ou les « frigolins ».

Le dépôt de munitions sera installe au lycée Anatole le Braz par les Allemands. Il sera endommagé par un incendie le 4 août 1944, à cause de l’explosion d’un camion dans la rue de Brest.






La caravane de la Libération se dirige
vers le monument aux morts à Saint-Brieuc.





Les anciennes véhicules militaires attirent l'attention des visiteurs et sont très appréciées des jeunes.











André Le Joliff chez lui.






André Le Joliff était un jeune de 18 ans qui habitait Saint-Brieuc en 1940. Né en 1922, il avait été convoqué par les autorités pour aller travailler obligé en Allemagne. Voici la lettre de convocation : 

« Sur l’ordre de l’autorité Allemande, j’ai l’honneur de vous inviter à vous présenter au bureau d’embauche Allemand de ST BRIEUC le 21 juin 1943 à 9 heures afin d’y signer un contrat de travail pour l’Allemagne » ; au verso, on peut lire : « La présente convocation et la carte de travail ont été remis à l’intéressé le 24 juin 1943. »









Certificat de recensement.









Carte de réfractaire.



André, comme tant d’autres jeunes, formait parti du groupe appelé les réfractaires, des travailleurs forcés et obligés recrutés pour travailler dans les usines allemandes faute de main d’œuvre partie en guerre. En cas de refus ou de fuite, ils étaient considérés comme des terroristes. On pouvait être réfractaire à la réquisition et au service au travail obligatoire en Allemagne. Pas tout le monde était réfractaire, seulement les Français nés en 1920, 1921 et 1922 étaient requis par les autorités allemandes ( loi du 16 février 1943). Ils iraient travailler en Allemagne sans recevoir de salaire dans les usines afin de remplacer les Allemands partis en guerre. Ceux qui étaient nés avant 1919 et après 1923 n’étaient pas appelés.






Verso de la carte de réfractaire appartenant à André Le Joliff.











André Le Joliff montre ses documents.









Jeunes habillés en maquisard
participant à la caravane de la Libération.




Une visite médicale était dirigée par des médecins allemands afin de vérifier la santé des français qui allaient partir. Cela va de soi que tout le monde était bon pour monter dans le train. Avec eux, se trouvaient aussi des ecclésiastiques français en soutane pour les accompagner en Allemagne.

André ne s’est pas présenté lors qu’il a été convoqué par les autorités allemandes. La police est allée le chercher chez lui, en assurant à son père qu’il n’avait pas signé le contrat au bureau d’embauche allemand à Saint-Brieuc. Son père, ne sachant rien de tout cela, répondit que son fils avait été convoqué et était parti en Allemagne. Désormais, André resta marqué d’une croix rouge sur son casier judiciaire (bien sûr, il a été amnistié après la guerre) et son nom affiché à la mairie de Plouffragan pour le rechercher.











Fausse carte d'identité appartenant à André Le Joliff.


Pour se déplacer librement sur le territoire, il s’est fait faire une fausse carte d’identité. Si sa vraie identité est André LE JOLIFF, né le 5 décembre 1922, habitait 42, rue de Gouédic, à Saint-Brieuc ; sur sa fausse carte est écrit :

 « André Louis Yves LEGALL, né le 5 février 1923 à Moncontour, profession ouvrier agricole, domicile Langueux (au bourg) Côtes du Nord ». Il faut remarquer l’importance de la fausse nouvelle date de naissance qu’il fallait utiliser, car ceux nés en 1919 et 1923 n’avaient pas été convoqués pour aller en Allemagne et André devait apparenter l’âge.














André Le Joliff nous montre ses documents.










Lettre de convocation pour signer le contrat de travail
pour l'Allemagne.




 André conserve toujours tous ces précieux documents. En plus de sa Carte de convocation et sa fausse carte d’identité, il conserve aussi sa Carte de travail délivrée par la Préfecture des Côtes-du-Nord ; le Commissariat général au service du travail obligatoire délivrait un Certificat de recensement ; et finalement, l’Office national des anciens combattants et victimes de la guerre délivre une Carte de Réfractaire ou l’on constate qu’André a été réfractaire du 21 juin 1943 au 6 août 1944.








Verso de la lettre de convocation.













Carte de travail appartenant à André Le Joliff.









Pour s’éloigner des Allemands, André a travaillé comme ouvrier agricole caché dans les fermes des Côtes d’Armor. Il a  travaillé à Plouguenast chez M. Pouplard, au lieu-dit « La langue du cran » et plus tard à l’Harmois, au lieu-dit « Le Bonha ». Ses sœurs venaient le voir en vélo de Saint-Brieuc. Un jour, des gars sont venus : « On sait que tu te caches. On peut compter sur toi pour combattre les Allemands ? » Il y avait un parachutage prévu organisé par le maquis de Corlay où deux parachutistes étaient les formateurs et se trouvaient aussi deux gendarmes déserteurs en tenu.











Participants bénévoles à la caravane de la Libération.




 
Dans la ferme, les ouvriers mangeaient très bien : des galettes de froment de 40 cm de diamètre, du bon lard salé, des volailles, de la viande de bœuf, des œufs, du lait. Le pain devait être acheté avec des tickets.

Le bureau de la Kommandantur a quitté Saint-Brieuc le 31 juillet et plus tard, le 3 et 4 août partiront discrètement et en silence la Gestapo et la Feldgendarmerie.













Les visiteurs s'intéressent aux détails des anciennes voitures militaires.












Quelques membres de la caravane de la Libération.





Les Américains débarquèrent en Normandie le 6 juin 1944 et, parti d’Avranches, un convoie se dirigeait vers la Bretagne. Les Américains en Bretagne n’ont pas dépensé beaucoup de balles, car les Allemands partaient la nuit, en petits groupes, en cachette. Deux jours avant l’arrivée à Saint-Brieuc des forces de libération américaines, les FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) avaient combattu avec rage dans certains coins bretons.









André Le Joliff le 6 août 2014.








Véhicules de la caravane de la Libération.


Dix jours avant la libération, afin de se rendre à Saint-Brieuc, André a rejoint son copain Albert Laporte, ami de sa sœur. Les FFI recrutent des volontaires pour accompagner les forces alliées. Albert a réussi à s’inscrire mais lorsqu’André arrive la liste était complète.











L'armée française rend hommage aux morts.








Deux jours avant la libération, c’était la folie à Saint-Brieuc. André attendait voir les forces américaines arriver à Saint-Brieuc de ses propres yeux et traverser rue de Gouédic où il était né en 1922. La BBC rapporte depuis Londres le 2 août que les Américains sont en Bretagne sur les routes de Rennes et de Saint-Malo. Les gens attendent avec impatience ce jour-même la caravane bouquet de fleurs à la main à Saint-Brieuc. Vers 15h, des soldats allemands en fuite créent la panique et des coups de feu s’entendent dans la ville. Désormais, Saint-Brieuc reste sans autorité officielle pour contrôler la ville.
















Les FTP et les FFI accompagnées des autorités civiles prendront en charge la ville dans l’après-midi du 4 août 1944 : Gabriel Gamblin sera le responsable de la préfecture, Henri Avril présidera le comité de Libération et Charles Royer prendra des responsabilités à la mairie.

Si les Allemands sont déjà partis, les troupes russes se trouvent encore en ville et un accrochage se produit avec les Français rue de Rennes lors que les Russes Blancs prennent la fuite vers le terrain d’aviation de la Plaineville. Ces soldats russes sont redoutables et font très peur à la population mais ne veulent pas se rendre tout de suite, ils attendent les forces militaires pour le faire.


















André attend avec anxiété l’arrivée des forces américaines et il ne sait pas que les Américains sont déjà au sud de Saint-Brieuc. Le général Grow a traversé Merdrignac et Loudéac et se dirige vers Brest.  Cependant, le colonel Eon, appartenant à la mission Aloes et chef des FFI de Bretagne, a été parachuté à Kérien le 4 août. Avec ses officiers, le commandant Dupérier, major Rees de l’OSS, chef du 4è bureau ainsi que le lieutenant US et major Elwes SAS, sont à Saint-Brieuc et négocient la reddition des forces russes.

Le 6 août vers midi, des chasseurs-bombardiers P47 Thunderbolt de la 9e USAAF américaine lancent des bombes sur Saint-Brieuc sans faire de morts : à l’angle des boulevards Charner et Clémenceau, à la ville Hesry et près de l’école Curie. N’ayant aucune justification à ce bombardement, c’était pour empêcher le réveil des forces ennemies autour de Saint-Brieuc ?









L'armée française rend hommage aux morts.






 
Finalement, provenant de la rue Paul Bert et du quartier de Gouédic, vers 17h, André et les habitants fous de joie lancent des cris et des acclamations en saluant l’arrivée de l’impressionnante caravane alliée qui arrive. L’émotion et la joie était immense et indescriptible raconte André. Une grande quantité de véhicules militaires d’infanterie roulait à vitesse modérée : des jeeps, des half-tracks et des impressionnants chasseurs de chars. La foule, nombreuse et joyeuse sur les trottoirs, salue les Américains, fatigués et pleins de poussière, surpris par ce chaleureux accueil briochin. Ils se joignent aussi à la célébration et participent de l’enthousiasme collectif indescriptible : un moment très  attendu de la part des Français qui ont été retenus en otages chez eux par les forces allemandes pendant si longtemps. Les gens crient, pleurent, s’embrassent. La foule ouvre les bouteilles pour les partager et boire à la santé des libérateurs.









L'armée française rend hommage aux morts.





 Les forces armées américaines montent la côte rue de Gouédic vers place Duguesclin. Avant de tourner à gauche, les Américains peuvent lire une pancarte en face : WELLCOME !! Les soldats distribuent des chocolats et des cigarettes aux Briochins rassemblés sur les trottoirs pour regarder le long convoie libérateur. Avant d’arriver au carrefour, le convoie s’arrête et un officier descend du Jeep pour parler avec quelqu’un. Un spectateur pointe du doigt un officier en tenu plus foncée assis dans un Jeep : C’est Paton !!












L'armée française rend hommage aux morts.




Afin de libérer Guingamp, les 15e et 17e groupes de cavalerie américaine prennent la route le 7 août accompagnés des FFI. Les jours après, les Briochins seront les témoins de l’impressionnant défilé des éléments du VIIIe corps, notamment de l’artillerie lourde qui se dirige vers la libération de Brest. Ce jour même, le lendemain de la libération, Albert Laporte, ami d’André, conduisant un camion dans une caravane de l’armée française, sera tué par une bombe lors de la traversée de la Meuse.
















 Le nouveau préfet de Bretagne, le docteur Le Gorgeu, s’adresse aux habitants de Saint-Brieuc le 12 août pour annoncer l’arrivée de l’ordre et de la liberté au pays.

Après la guerre, tout était détruit, surtout à la SNCF, où nombreux chemins de fer et des locomotives avaient été endommagés ou détruits. André a travaillé à la gare de Saint-Brieuc, avec 1000 autres collègues, comme agent à l’atelier où il réparait les chaudières des locomotives. A cette époque, André se rappelle que tout le transport se faisait par train. Entre les locomotives à vapeur les plus performantes après la guerre, il y avait la 230, 231, et 241. Plus tard, avec le plan Marshall, une machine qui débitait le charbon toute seule, la 141-R, arrive des USA. Ensuite, elle sera transformée en diesel.







André Le Joliff le jour de la commémoration de la Libération de Saint-Brieuc
le 6 août 2014.



André s’est marié en 1946 et a eu un garçon en 1951 et une fille en 1962.

Aujourd’hui, il habite Pordic, dans les Côtes-d'Armor.


Bravo à toi, André, pour ton courage 
et merci beaucoup pour ton précieux témoignage.
 


Images prises le 6 août 2014 à Saint-Brieuc (22)


Productions©José María Gil Puchol 

Photographe à Loudéac 22600

FRANCE 



https://gilpuchol.wixsite.com/pucholphotographie



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Sources consultées pour la réalisation de cet article :

Robert Aron : « Histoire de la Libération de la France » [tome II juin 1944-mai 1945, chapitre III consacré à la "Libération de la Bretagne"].

Bulletin d’information de la ville de Saint-Brieuc n° 63 et n° 64, publiés par le Griffon, 1994.

Hors-série Le Télégramme « La Bretagne libérée », p. 15. Roger Huguen.