mercredi 20 octobre 2021

Eglise Saint-Pierre au Vieux-Bourg. Plouguenast.

 

 


 

Dans mon parcours en Bretagne, aujourd'hui je vais visiter l'église Saint-Pierre au Vieux-Bourg, commune de Plougnuenast dans les Côtes d'Armor. Ces petites communes campagnardes ont un charme particulier où tout semble s'arrêter, la vie est paisible, le bruit des machines agricoles se fond avec celui des oiseaux. 

      J'ai rendez-vous avec un ami de la commune, Jean-François Pied'homme, un ancien professeur d'histoire qui va m'expliquer les aléas de cette église et un peu aussi de la commune. M Pied'homme est grand et costaud, sourire large, personne souple, il a le teint bronzé d'un agriculteur, l'intelligence ouverte et l'expression abondante comme enseignant qu'il est. Je sonne à sa porte et il me reçoit chaleureusement, me fait entrer. Il me prépare un café et remplie une assiette avec quelques gâteaux bretons.

 

 

Coeur et maître autel. Sur l'aile nord, à gauche, l'arbre de Jessé.

 

 

-Je suis très très content de te voir, me dit-il, car ça faisait longtemps qu'on ne se voyait pas, mais surtout pour l'intérêt que je porte à cette petite église qui a eu son importance il y a quelque temps. Elle a des choses remarquables quand même!

-J'en suis sûr, Jean-François, car ici on est en pleine campagne et ses habitants étaient fidèles à leurs traditions chrétiennes.


Entrée sud à l'église Saint-Pierre.


-Tout à fait, la campagne est toujours sage et pleine de savoir faire, dans tous les coins par ici il y a toujours une chapelle comme celles de Saint-Michel et de Saint-Théo où les gens pouvaient aller prier et vénérer leurs saints; on pouvait trouver aussi tous les vieux métiers dans ces villages: pendant deux siècles, le commerce et l'industrie des toiles s'étaient développés et avaient une certaine importance; le village de Saint-Théo faisait du pain qui était vendu dans les marchés environnants; il fallait travailler la terre et à l'époque c'était la famille Mullar qui a défriché les landes de Fanton avec un grand succès, car des investisseurs anglais sont venus ici pour le faire et n'ont pas réussi. 

 

 

Forgeron: un ancien métier qui perdure. Fête du feu à Paimpon en 2011.

Leur exploitation a été un vrai modèle pour beaucoup de cultivateurs, car dans ses procédés, ils ont appliqué les ressources, au XIXè siècle, d'une agriculture technique et simple en même temps que sage et savante et beaucoup d'agriculteurs ont pu tirer des grands enseignements; des bois de sapins, près de la route, occupaient une grande étendue de la lande. Du côté historique, à la Ville-d'Anne, à la Touche-Brandineuf et au Cran se trouvaient les ruines d'anciens manoirs il n'y a pas longtemps. Près de la chapelle de Saint-Théo il y a un tumulus et près du village de Cornéant se trouvent les restes d'un camp romain. 

 

Les outils du vieux métier de maréchal ferrant. Musée régional des métiers à La Chèze.

 

-Très intéressant tout ça. Il y avait vraiment une vie où les métiers se trouvaient pignon sur rue, quoi!

-Je te parle, bien sûr, d'une époque révolue, quand ici à Plouguenast il y avait 3500 habitants, une école avec 94 garçons et une autre avec 77 filles; il y avait un justice de paix, un notaire, une brigade de gendarmerie à pied, un bureau de distribution des lettres, un comice agricole, des courses de chevaux, un bureau de bienfaisance... Le marché avait lieu le vendredi.

 

Stalles.

 

     -Oui, la vie d'aujourd'hui ne ressemble plus à celle-là. Mais quand même, le paysage reste le même, n'est-ce pas?

-Mmmm, on peut le dire comme ça, oui, car ce terroir est toujours accidenté et montagneux, les terres sont "légères", les prairies ici étaient un peu plus abondantes qu'ailleurs. Pontgamp, aujourd'hui, est rattaché à Plouguenast, mais avant était un bourg à part où l'on avait construit la nouvelle église paroissiale, qui a remplacé celle du Vieux-Bourg. Cette nouvelle église date de 1845 et est beaucoup plus grande. L'ancienne église au Vieux-Bourg, plus petite, date en grand partie du début du XIVè siècle, a été profondément remaniée dans la seconde partie du XVè siècle et restaurée au milieu du XIXè siècle. 

 

 

Statue de Saint-Pierre derrière le maître-autel.

 

-Et elle est sous le patronage de saint Pierre, c'est ça?

-Tout à fait, de saint Pierre, mais on y invoque aussi saint Germain pour les maladies infantiles. En dehors de quelques statues anciennes, d'un beau retable du XVIIIè siècle[1], et d'une balustrade du chœur renfermant onze panneaux provenant d'un jubé ancien et représentant les apôtres, aujourd'hui elle n’offre à l’archéologue grande chose. 

Après avoir pris nos cafés et pris quelques gâteaux, nous sommes prêts pour aller sur place visiter cette petite église de Saint-Pierre au Vieux-Bourg.

Nous sommes en juillet et le temps est assez frais, il pleut un peu quelques fois; entre les nuages qui se dégagent poussés par le vent, le soleil illumine le paysage et l'intérieur de l'église. Nous y sommes. 

A droite, vue du bas-côté nord.


-Cette église, explique Jean-François, est en forme de croix latine et elle comprend une nef avec bas-côté nord de 4 travées, un transept et un chœur. Mais le bâtiment a été remanié depuis l'époque de sa construction. 

-On connaît la date précise? Qui l'a fait bâtir?

-Il paraît, que [6] l'arrivée de Saint-Gall accompagné de ses moines a été décisive et, dans un premier temps, ils ont bâti un oratoire ou peu-être une sorte d'ermitage ici, au Vieux-Bourg. Je te parle du  VIIè siècle. Ce monument que nous voyons sous nos yeux date la plupart du XVIè siècle. La partie du  clocher et les quatre colonnes avec leur voûte sont antérieures et doivent appartenir à l’édifice qui avait avant le XVIè siècle. 

-Et on peut consulter des textes?

-On n'est pas sûr de rien ici car nous ne pouvons consulter aucun document, aucune trace écrite a été ni conservée ni enregistrée. Des registres furent ordonnés par François Ier par un édit de Villers-Cotterets de 1535, mais ceux de chez nous ne commencent qu’en 1628 et 1630. Ont-ils été perdus ? En plus, les Recteurs ont été toujours très discrets concernant l'écriture et c'est seulement à partir de cette date,  que nous pouvons suivre très bien les transformations de l’église. 

 

Vue du bas-côté nord et des bancs.

 

Donc, on peut dire, sans se tromper, que l’édifice actuel est le résultat du travail de diverses époques, datant du XVè et XVIè siècles. De la fin du XIIè siècle, date la seconde travée du bas-côté, voûté sur arcs ogives d'un primitif gothique et supportant le clocher. Du côté sud, se trouvent la sacristie et la chapelle du Saint-Sacrement, qui furent bâties sous le rectorat de Messire Jacques Symon vers 1648 ; la chapelle Saint-Nicolas (aile nord) et le chœur furent édifiés en 1679 sous le rectorat de M. Leuduger. 

-C'était à quelle époque, ça? 

- Précisément, c'était haut et puissant Thébault le Mintier Seigneur de Carmené qui posa la première pierre en fut posée le 21 juin 1679 et la bénédiction de l’église fut faite le 19 novembre suivant. 

 -Et les habitants de Pontgamp n'avaient pas d'église?

-Non, mais comme en 1768, l’église avait besoin de réparations assez importantes, la majorité des paroissiens était d’accord pour qu'elle soit transférée justement au Pontgamp. Cependant, deux arrêts du Parlement de Bretagne des 21 mai 1768 et 18 mars 1771 refusèrent l’autorisation.

Jean-François me montre le maître-autel. Il est magnifique. 


Cœur et maitre autel de l'église Saint-Pierre au Vieux-Bourg.
Il fut édifié en 1679 sous le rectorat de M. Leuduger.


-Voici le maître-autel qui date de la fin du XVIIè siècle et qui est classé. On peut lire l'inscription : « Le Faucheur, peintre à Uzel »

-Côté artistique, cette église est assez austère, il n'est pas très décorée, on peut voir même les pierres toutes nues... 

-L’induit qui recouvrait les murs a été enlevé car très abîmé. Concernant les vitraux, ce que tu vois ce sont les restes des vitraux du  XVIè siècle, classés aussi patrimoine artistique. Les panneaux proviennent d’un jubé et sont enchâssés dans le balustre du chœur [2], ils sont contemporains et présentent des motifs décoratifs semblables à ceux de la porte de l’église de Malestroit. Tu connais Malestroit? 

 

Partie du vitrail de l'arbre de Jessé.

 

-Oui, j'ai visité cette ville tout près de La Gacilly où a lieu tous les ans le festival photo. Il y a aussi sœur Yvonne Aimée. 

-Exactement. Derrière le maitre-autel, se trouvent d'anciennes statues: celles de Saint-Pierre et de la Sainte-Vierge ; et sur les murs les statues en bois polychrome de Sainte-Appoline [3], Saint-Germain[4], Saint-Eloi. 

-Là-bas, dans le bas-côté derrière, il y a une aussi dans le noir... 


Archange Saint-Michel sous le bas-côté nord.


 -C'est l’archange Saint-Michel. Et de part et d'autre de la neuf, Saint Armel, Saint-Nicodème[5] avec une fiole à la main, c'est lui qui guérit les malaises des animaux; et celles de Saint-Gervais et Saint Gilles, de part et d’autre du transept. 

      -En tout cas, c'est un art assez modeste.

-Tout à fait, sans doute payé par les habitants, car normalement ici dans l'humble et éloignée campagne les grands propriétaires qui avaient l'argent vivaient loin. Comme tu peux le voir, Plouguenast est un territoire assez modeste mais pas mal de choses arrivèrent ici pendant l'époque des chouans.

Jean-François touche un sujet que je ne connais pas.

-Je t'expliquerai quelque chose plus tard. 

Il poursuit l'explication.

-Les travaux importants concernaient la nef et le chœur de l’église, qui furent donc refaites au XVIè siècle. Sous le rectorat de Guillaume Lucas, la sacristie, telle qu’elle est encore aujourd’hui, fut ajoutée entre 1640 et 1648 et la chapelle du Saint-Sacrement, du côté sud...

 

Sculpture de la Vierge Marie derrière l'autel.

 

Et là, Jean-François tire un carnet de sa poche, passe quelques feuilles et lit en ancien français:

-« ... fut bastie par noble et discret Messire Jacques Symon, Sieur de Launay, Recteur de Plouguenast entre 1648 et 1652. » « La Chapelle de Saint-Nicolas, qui est du côté de la fontaine, fût bastie l’an mil six cent soixante dix-neuf et le chœur élevé à la hauteur de la chapelle du Saint-Sacrement. Le tout des deniers de la fabrique. Les maçons, qui se faisaient par les paroissiens, la somme de deux cent livres ; les charpentiers qui étaient Pierre Gaichet de Launay, Jean et Pierre Labbé, de Glégan, eurent… et les couvreurs qui fournissent, les matériaux et les charroyes exceptés. »

« La première pierre fût posée par haut et puissant Seigneur Thébault Le Mintier, Seigneur de Carmené, Les Essarts, Gouméné, fondateur de l’église de céans par Moy, recteurs, signé le 21 juin du dit an (1670). »

 

Aile nord: chapelle Saint-Nicolas et arbre de Jessé.

 

« Le dimanche 19 novembre de la mesme année, la dite chapelle et l’église fût bénite par Moy, Recteur, assisté des vénérables et discrets messires François Le Nouvel, Henry Buschoux, Pierre Le Nouvel, prêtres de cette paroisse, et de François Le Nouvel et de Guillaume Radenac, diacres, par permission de Mgr Hardouin Fortin de la Haguette pour lors, évesque de St-Brieuc, depuis transféré à Poitiers par le Roi Louis XVI. »

-Tu vois - dit Jean-François - ça c'est du vieux français que j'aime bien lire de temps en temps. Ce texte que je viens de lire a été écrit par le recteur même Jean Leuduger, qui fut un homme célèbre, tout le monde est d'accord qu'il était presque un saint. Monseigneur André de la Villerabel a écrit sa vie dans un gros volume de cinq cent pages. C'était lui, Jean Leuduger, qui fonda la puissante Congrégation des Filles du Saint-Esprit. Dans ce livre, Mgr de la Villerabel dit ceci de Jean Leuduger et de l’église : « Quand Jean Leuduger arriva à Plouguenast en 1676, l’église menaçait ruine, mais les gens de Plouguenast ne songeaient pas à la rebâtir, effrayés des dépenses. »

 

Chapelle Saint-Nicolas: sculpture représentant St-Armel.

 

-Ça, alors!, c'était eux vraiment qui payaient les frais!! Et la fabrique, alors? Tout à l'heure tu as lu que la fabrique avait pris en charge les travaux importants. Il y avait une fabrique de quoi, ici?

-Ce n'était pas une fabrique comme on l'entend aujourd'hui, mais l'équivalent, si tu veux, à la mairie de nos jours. Finalement, les derniers travaux datent de 1880: les deux ailes du transept appelées chapelles du Saint-Sacrement et de Saint-Nicolas furent diminuées car plus profondes qu’elles ne le sont aujourd’hui.  

 

 

Aile sud: sculpture représentant Saint-Nicodème.

-Tu disais tout à l'heure que cette église n'était pas très décorée, mais cela ne veut pas dire qu'elle n'aurait aucune valeur artistique. Auparavant, elle devait être beaucoup plus belle, certes, surtout avec ses vitraux d'origine. 

-Les vitraux ont l'air un peu moderne...

-Tu vois, derrière l'autel, on pouvait remarquer dans la verrière, un arbre de Jessé...

J’interromps Jean-François. 

-Un arbre de Jessé c'est quoi?

-C'est un arbre généalogique expliquant les origines de Jésus.

-Ah, d'accord, je n'avais jamais entendu parler de cet arbre. Excuse-moi, je t'ai coupé... 


Fragments de l'arbre de Jessé.



-Ce n'est pas grave. Donc, cet arbre de Jessé, ses fragments se retrouvent aujourd’hui sur les fenêtres du côté nord. Cet arbre a été très mal réparé, par quelqu'un qui ne connaissait rien du métier, sans doute, et on le regrette : dans le premier vitrail on trouve des fragments du second et vice versa… 

-Ah, c'est bien dommage, quand même... 

-Dans l’aile sud du transept se trouve un fort beau panneau de la Pentecôte, avec le Saint-Esprit projetant des rayons rouge et or sur la Sainte-Vierge et les Apôtres. On peut repérer Saint-Pierre vêtu d’une robe à manches bouffantes comme à l'époque de François Ier. Dans l’aile nord, les restes d’une crucifixion. La fenêtre du côté sud entre le porche et le transept renferme, enchâssés dans un vitrail neuf, deux fragments intacts du XVIè siècle de bonne facture, la Sainte-Vierge et Saint-Pierre. 

 

Côté sud: vitrail de la Sainte Vierge et Saint-Pierre.

 

Jean-François attaque le retable. 

-Ce beau retable qui date du XVIIè siècle est tout à fait remarquable - et il tourne la tête en rond de droite à gauche comme secoué par l'émotion - avec tous ses personnages, la Sainte-Trinité au milieu, de chaque côté Saint-Pierre et Saint-Paul et deux évêques Saint-Germain et Saint-Nicolas. Cet ensemble fut très abîmé et le maître autel et le retable furent réparés par Yves Lamandé, un artiste du Vieux-Bourg,  sur l’initiative des dames Viet. Avec des instruments de fortune, il répara Saints, colonnettes et vignettes avec tant d’habileté que c’est à s’y méprendre et à ne pas distinguer l’antique du moderne.

Ce beau retable aux rehauts d’or est muni de petites colonnettes torses enroulées de vigne que moult oiselets or et vert picorent. Au haut du tabernacle se trouve le Père Éternel, entouré d’anges aériens aux aspects variés.Ce sont des reliefs tellement harmonieux que la variété du décor lui donne une richesse sans fouillis.

De chaque côté de l’autel, se trouvent deux vieilles statues en bois: une Sainte-Vierge avec l’Enfant-Jésus et Saint-Pierre. A l’autel du midi une Sainte-Appoline. Dans le bas-côté un vieux Saint-Germain tout emmailloté de rubans de couleurs ; il est très invoqué, car il guérit les coliques des enfants. 

Bas côté nord: sculpture de Saint-Eloi.

 

Sur le mur, onze vieux panneaux représentant les apôtres avec leurs instruments de supplice. Ils proviennent, dit-on, d’un ancien jubé.

 

Les apôtres et leurs instruments de supplice.

 

A remarquer dans le cimetière, le calvaire à auvent du XVIè siècle. Il y avait là autrefois un reliquaire dont il est question en 1731 et 1737.

Elle est bien vénérée cette vieille église et elle a droit à tout notre respect. Tant de générations de nos ancêtres, après y avoir prié, s’y être sanctifiés, y dorment leur dernier sommeil. C’eût été un sacrilège que de la démolir et Dieu sait pourtant si l’on a essayé ! Si elle est encore debout, c’est grâce au cran et à la ténacité des gens des environs.

 

Saint-Germain.

 

-La Révolution et les guerres ont voulu, sans doute, finir avec elle...

-C'est ça. Tu sais, ici, en Bretagne, l'époque de la chouannerie fut terrible!! Les Républicains et les Royalistes se déclarèrent la guerre dans l'ouest de la France pour rétablir la monarchie ou pour défendre la République. Ici, dans les campagnes, les lois ne furent respectées et les habitants, étant donné que la monarchie avait été décapitée, ne voulaient pas payer des impôts. A Rostrenen, les droits de coutume étaient perçus à grande peine; à Plémet, à Laurenan, dans la région de Loudéac, la dime dûe au recteur est refusée. Le Recteur du Merzer, au moment de publier le décret du 23 juin ordonnant le paiement des dimes ecclésiastiques et inféodées, doit se retirer dans la sacristie.

On discute le droit de propriété des seigneurs ainsi que les droits de l’État et ceux de l’Église. Les paysans, à Plouguenast, à Plémy, à Lanrelas, envahissent les landes et les terrains vagues, détruisent les fossés qui les enclosent, coupent les ajoncs et les genêts, et même les arbres qui y ont été plantés. Les forêts ne sont pas à l’abri des déprédations, les riverains sans aucun scrupule s’y approvisionnent en bois ; les habitants de l’Hermitage et ceux d’Uzel reprennent par la force aux grades nationaux de cette dernière ville les produits de leurs pillages dans la forêt de Lorges. 

 

Nef centrale vers le cœur.

 

Les autorités veulent mettre fin à ces révoltes, qui ont l'air d'une guerre civile, et cherchent à obtenir une loi répressive. Mais une partie de l’Assemblée, au nom de la philosophie, défend « la liberté indéfinie des cultes », et en étend le bénéfice aux non-conformistes eux-mêmes et Bagot, porte-parole de la députation, s'occupe à expliquer à ses commettants comment ils doivent juger la question. Ils voulaient assurer pendant cette période le libre exercice de tous les cultes car c'était écrit dans la constitution, mais, comme tu peux comprendre, son application intégrale était prématurée voir dangereuse, car cela risquait de secouer les réussites des Constituants. 

-Et à la campagne, les paysans n'étaient pas des intelos... 

-Bien sûr que non; ils n'étaient pas assez, si tu veux, "avancées" pour accepter cette sorte de tolérance fraternelle et il faudra attendre les nouvelles lois et la nouvelle instruction publique pour les amener vers cette autre mentalité. Tu te rends compte? Dans la situation critique dans laquelle se trouvait la France, tout le monde avait à la tête cette phrase: « Salus populi, suprema lex » qui veut dire que le salut du peuple soit la loi suprême

 


 
Ange sous la sculpture de Saint-Pierre.

Par ici, personne ne songe à l’établissement de la liberté des cultes et le gouvernement envisageait que les prêtres réfractaires à la République puissent réaliser leurs offices. On traité de patriotes les habitants de Guingamp, le coin le plus tranquille de l’empire, et ils étaient révoltés de voir comment les non-conformistes recherchaient des pierres sacrées pour se servir des chapelles. Ils disaient, les patriotes, qu’il était inutile et nuisible un double établissement pour la profession de la religion catholique, car, d'après eux, cela provoquerait des divisions. Il serait intolérable si les réfractaires faisaient la concurrence au clergé constitutionnel.

Le Conseil général des Côtes-du-Nord blâme le manifeste du Directoire de Paris en faveur de la liberté religieuse et affirme, en termes très respectueux, que, si le roi ne sanctionne pas le décret contre les prêtres réfractaires, le Conseil des Côtes-du-Nord sera obligé de les mettre en arrestation, comme l’avait déjà fait celui du Finistère. Malgré leur déception, dociles aux conseils de leur député Bagot, ils écrivent au roi en disant plus ou moins...

Jean-François ouvre à nouveau son petit carnet et cherche une page pour lire quelque chose: 

-J'ai écrit ces mots car sont très importants et expriment bien le sentiment de cette époque. Écoute:

« Le plus grand désir de votre cœur, vous l’avez témoigné plus d’une fois, est celui d’être aimé des Français : l’amour de nos rois, qui a toujours caractérisé la nation française, est aussi un besoin pour les citoyens qui vous font entendre leur voix. Vous avez acquis, Sire, des droits immortels à cet amour par l’acceptation libre et franche de la Constitution et vous pouvez encore y ajouter des nouveaux ». 

 

Vue de l'aile sud.

 

Cependant, les habitants de Lamballe sont méfiants et font la leçon au souverain : « Il est venu, Sire, le moyen d’employer pour la Constitution ce zèle que vous avez solennellement promis d’apporter à sa défense », et, dans une lettre adressée à l’Assemblée, ils ne cachent pas leur désaccord avec le comportement royale, et condamnent un « funeste veto, que les circonstances du moment ne permettent certainement pas d’appliquer ». 

-Les choses étaient bien compliquées... Quelle Révolution!!

-C'est le cas de le dire! Mais les choses ne s'arrêtent pas là.

Les habitants du canton de Le Gouray, dans le Mené, acceptent la constitution sans broncher, mais la religion catholique, apostolique et romaine[7], devra être la seule dominante dans l’étendue de la république. C’est ainsi que pensent les électeurs de Prat et ceux de Plouguenast. Ces derniers réclament, en outre, que la religion de leurs pères soit déclarée religion d’Etat et salariée par le gouvernement, qui a nationalisé les biens de l’église. Maintenant, les choses ont tellement changé que les frais du culte, le traitement des prêtres et l’entretien des édifices sont une dette nationale que la République française doit solennellement reconnaître en la mentionnant dans l’acte constitutionnel. A ce dessin, se joignent les assemblées primaires d’Yvias, de Saint-Méloir et de Plédran, toutes communes pas loin d'ici.

Cependant, les habitants ne sont pas d'accord avec la liberté des cultes. Plédran accepterait  le libre exercice s'il est uniforme dans chaque canton ; Plouguenast le condamne, car c'est la cause  de dissensions perpétuelles et de guerres civiles qui finalement bouleverseront la France et finiront par détruire la république. Le canton de Trémorel l’approuve formellement, mais seulement pour être autorisé à choisir ses prêtres, repoussant d’ailleurs la constitution. Dans les assemblées qui ont lieu à Plouvara et à la Chèze, la liberté des cultes eut également des partisans, mais leurs amendements en faveur des réfractaires furent rejetés par la majorité patriote. 

 

Détail du maître autel.

 

-Comme quoi, pas tout le monde est d'accord.

-Tu sais, chaque tête est un monde à part, et chacun de nous avons notre monde idéal. Si on ne cède pas on n'arrivera jamais. Lorsque le plus fort arrive, nous impose sa manière de voir les choses. 

Les adversaires de gauche s'étaient engagés à diriger les cantons, disons, populaires ainsi que les comités révolutionnaires pendant l’an II, établi par Napoléon, l’opinion les taxant de terroristes. Ils ont été écartés de tous les postes importants, mais ils n’ont pas accepté leur défaite et ont reçu l'appui de quelques groupes modérés et de certains partisans du clergé constitutionnel. Et il ne faut pas oublier qu'à côté d'eux l'armée les appuyait aussi. Cependant, les soldats étaient vraiment exaspérés car complètement oubliés des autorités et, étant dépourvus, se sentaient misérables, irrités d'une lutte sans gloire, accablés par les fatigues et les dangers d'une bataille contre des ennemis insaisissables; ils rendaient les autorités responsables de leurs maux et les accusaient d’être secrètement vendues aux chouans. A Saint-Brieuc, le culte orthodoxe fut rétabli et les soldats venaient se manifester sous les fenêtres du Département, imitant le cri du hibou, et huaient les particuliers qui sortaient de la chapelle Saint-Pierre[8]. Mais, s'ils ne sont pas intervenus dans les élections, si l'on fait ceux appelés « terroristes », et leurs alliés appelés « les patriotes exclusifs », comme on les appellera en l’an V, cherchant toujours, inutilement d’ailleurs le plus souvent, à diriger et à manipuler les choix dans plusieurs cantons. Ils ont tenté d'obstruire au chef-lieu, à la section Saint-Pierre, où les catholiques romains étaient en majorité. Et ici à Pluguenast en a été de même, et, en fin de compte, ils ont dû se borner à dénoncer leurs rivaux et à les accuser d’ « aristocratie ».[9]

 

Agneau pascal.

 

Si les soldats sont absents, quelques « voyous » suffissent à jeter la panique dans toute une commune sans que personne puisse rien faire. A Corlay, le 4 avril, quatre individus armés mettent le feu en plein jour aux archives et même aux registres d’état civil, sans que nul essaye de s’opposer à leur dessein. A Plouguenast, le 7, douze hommes se font livrer les papiers de la municipalité. Le mois suivant, à Mellionnec, à Bothoa, à Duault, rien empêche à une douzaine de cavaliers d'assassiner et de piller[10]. Les fonctionnaires soumis depuis le 19 ventôse au serment de haine à la royauté, s’y refusent dans les communes rurales, de peur de s’exposer en le prêtant aux vengeances des insurgés ; ils préfèrent démissionner que de courir un tel risque. Dans le canton de Corseul, le commissaire seul obéit à la loi, mais il n’ose demander aux administrateurs de l’imiter, tant il est assuré de leur réponse.

-Et les administrations, elles réagirent comment vis-à-vis des réfractaires?

-La plupart avec bienveillance, quoi, mais cette attitude ne produisit pas tout le fruit qu’on en attendait. Les ralliés avaient fondé beaucoup d'espoir sur la restauration religieuse mais elle se faisait très lentement. Les déclarations de soumission restèrent beaucoup moins nombreuses qu’en l’an IV, à cause du manque de confiance de beaucoup de prêtres, et surtout à cause des orthodoxes intransigeants qui s'opposaient obstinément, étant donnée qu'ils étaient hostiles à toute compromission.

-Et les assermentés, alors, se méfiaient-ils aussi?

-Oui, mais c'était justifié car ils avaient été l'objet auparavant de mesures contradictoires; mais ils se méfiaient aussi à cause du comportement de quelques « exclusifs » qui, les voyant comme la principale cause des divisions et des désordres, les traitaient en ennemis et les accusaient constamment de corrompre l’esprit public et de compromettre la paix[11]. Quelques curés constitutionnels poussaient contre eux les soldats, qui, aigris par leur misère et leur dénuement, écoutaient favorablement les appels à la violence contre leurs propres représentants les voyant comme la cause de leurs malheurs. Le curé de Plouguenast, Lalleton, était le leader  des patrouilles organisées autour de Plessala pour capturer les prêtres cachés[12], en même temps que son collègue Laubé provoquait par ses dénonciations l’assassinat de l’insermenté Georgelin[13]

 

Porte d'entrée ouest et confessionnel.


 

-Avec cette ambiance, les esprits ne devaient pas être calmés du tout.

-Pas du tout, mon ami. L'administration centrale s'exprima à cet effet en disant que...

Jean François cherche dans son petit carnet quelque chose à ce propos.

"...que les persécutions et les préjugés en faveur des prêtres constitutionnels, qui trop souvent sont inconstitutionnels, et contre les prêtres dits réfractaires, quoique beaucoup aient déclaré leur soumission aux lois de la République, sont au même degré de force, en quelques lieux et chez quelques fonctionnaires publics, que dans les années 1793 et 1794." 

Et comme tu peux comprendre, c’est toujours dans les contrées où les gens n'ont pas assez de lumières, mais ils croient en avoir parce que l'administration les a sollicités pour travailler, que ces préjugés et ces persécutions s'ont les plus importantes. 

Et il continue avec sa lecture. 

-Et ces actions "sont très marquées aussi dans tous les hommes qu’on désigne sous le titre de terroristes et d’exclusifs." Les administrateurs avaient raison de dire que cet état d’esprit des habitants était une des principales causes de trouble dans le département[14].

Mais malgré les vœux des habitants, il y avait une autre raison qui retardait le rétablissement du culte catholique romain: c'était le clergé orthodoxe qui s'opposait carrément. Ceux-ci prêchaient l'obéissance au gouvernement et en face des soumissionnistes, se dressaient les irréductibles qui ne voulaient pas reconnaître un régime qui ne leur accordait pas les garanties qu’ils jugeaient nécessaires, et dont la forme par surcroît leur était odieuse. Ceux-ci, surnommés les "Bastiens" parce qu'ils avaient comme conseiller l'évêque de Vannes, Sébastien Amelot, étaient nombreux dans les anciens diocèses de Tréguier, Dol, Vannes et Quimper et la plupart de leurs évêques étaient réfugiés en Angleterre.[15]

 

Aile nord: Chapelle Saint-Nicolas.

 

-Et dans toute cette masse de partisans, y avait-il aussi des leaders dans cette bataille? 

-Oui. Le plus courageux de tous était un déserteur, un tel Duviquet qui, n'ayant pas une grande sympathie parmi les paysans, poursuit quand même sans relâche des courses et des brigandages dans les communes qui entourent la campagne pour se cacher finalement dans les landes et les forêts. 

-Il terrorisait la population...

-Une nuit d'octobre, je crois que c'était celle du 7 au 8 octobre, il se rend chez les percepteurs de Trébry et du Gouray pour les maltraiter et menacer pour leur enlever ensuite la caisse ; le 29, il dépouille de 700 livres un patriote de Plessala ; le 2 novembre, entre les Ponts-Garnier et Yffiniac à 7 heures du soir, 12 de ses hommes  arrêtent le courrier appelé la « brouette » de Paris et pillent les dépêches. Les autres leaders ne restent pas les bras croisés et les incursions se multiplient pendant tout l’hiver 1797 – 1798 dans la région du Mené et Rostrenen. En décembre, les chouans continuent de piller les communes de Trébry, Plouguenast et Laurenan, obligeant le commissaire de Plémy à se réfugier à Moncontour à cause de la terreur qu’ils inspirent. 

-C'étaient des bandits de grand-chemin!

-Tu parles!! Au mois d’août 1799, le prêtre Lalleton était président du canton de Plouguenast et participait activement aux poursuites des chouans; cela lui autorisait une certaine légitimité pour exprimer sincèrement au commissaire central sa désapprobation de la politique du Directoire

Jean-François cherche encore dans son carnet un témoignage directe.

-J'ai ici une citation du prêtre Lalleton. Écoute bien: 

« Le peuple est mécontent, il veut la religion, il l’aura ou il périra. Il ne veut ni décades, ni nouveaux calendrier ; à ces conditions, il se rit des nobles auxquels il n’est nullement attaché… Qu’on (lui) accorde la demande ci-dessus annoncée, paix et satisfaction dans l’intérieur. » 

 

Vue du plafond.


 

Il essaye d'attribuer tous les désordres, et particulièrement le brigandage, devenu endémique dans le sud du département, à l’irréligion causée par le manque de prêtres. Et il dit, et je fini ici mon récit: 

« Voilà mon raisonnement, point de ministres, point de religion, point de religion, plus de mœurs, plus de mœurs, dépravation, corruption, injustice, brigandages, assassinats. L’expérience de 8 à 10 ans ne le prouve que trop[16] ». 

Le commissaire du canton de Saint-Gilles-le-Vicomte faisait entendre le même argument quelques mois plus tôt et le 23 frimaire VII (15 décembre 1798) il s'exprimait ainsi dans un rapport sur l’état de son canton : 

Je vais chercher la dernière citation:

« La morale n’a point gagné ici… Les mœurs sont infiniment au-dessous de ce qu’elles étaient il y a dix ans. La religion était un frein qui arrêtait bien des désordres. Il faut de l’instruction au peuple, mais sur quoi baser la morale, si on bannit toute idée religieuse[17] ? ».

 

 

Seconde travée du bas-côté, voûté sur arcs ogives d'un primitif gothique.

 

 

Images prises au

Vieux-Bourg le 30 juillet 2021
 
  Pour utiliser ces images, veuillez me consulter.



2021©José María Gil Puchol Productions 


Photographe à Loudéac 22600

France

 




 [1] Il porte l’inscription moderne : Le Faucheur peintre Uzel.

 [2] Onze panneaux représentent Jésus encadré de Saint-André, de Saint-Jean et de 8 autres apôtres.

[3] Sainte-Appoline, Vierge et Martyre d’Alexandrie en 249. Se jeta dans les flammes plutôt que de prononcer des paroles impies ; était invoquée pour les douleurs dentaires.

[4] Saint-Germain, statue autrefois tout entourée de rubans, le saint était invoqué pour délier les enfants.

[5] Saint-Nicodème, Pharisien, Docteur de la Loi, Membre du Sanedrin, tribunal de Jérusalem. Embauma et ensevelit le corps de Jésus.

[6] Extrait de l’Histoire de Ploguenast rédigée dans l’Echo du Lié par l’Abbé Ange Lucas. 

[7] Les constitutionnels se disent toujours, malgré leur rupture avec le pape, catholique, romains ; voir à ce sujet toutes les brochures de propagande qu’ils ont écrites en 1791, et dont nous avons cité quelques unes à propos de l’établissement de la constitution civile. 

[8] A.C.D.N. 1 1., 61. L’administration départ. au général Valletaux, 23 prairial, f 57.

[9] A.N. : Bu, 42, et A.C.D.N. : 1 (m3). N° Lettre du curé constitutionnel Lalleton, 5 vendémiaire IV.

[10] A.N. : F7, 7148. Lettre du commissaire de Rostrenen. 21 floréal.

[11] A.N. : F7, 7237. Pétition des habitants du canton de Plouvara, 4 ventôse (une quarantaine de signatures) ; F19, 118. Lettre de Raut, de Moncontour, 10 frimaire V.

[12] A.C.D.N. :1. (m5), 109. Protestation de la municipalité de Plessala le 12 Ventôse. Voir rapport de l’agent Robin le 16.

[13] Sur cette affaire, cf. A.C.D.N. : 1. (m5), 109, 110 ; reg. 2 1., 53. Ff. 137, 58 ; 2 1, 54, ff. 1 et 2 ; 71 1., 10, f. 112 ; 7 f 1., 12, f. 17 ; 2 1., 16, f. 40. Le prêtre Georgelin, dit Paul, fut arrêté le 21 février 1797, au Clos-Neuf, en Plessala ; il aurait cherché à s’enfuir et les soldats le fusillèrent. Laubé et le chef du cantonnement, Boulogne, un vieux sous-lieutenant de la 6è demi-brigade, avaient entraîné l’agent Robin au cabaret. Après y avoir bu et chanté, Laubé, pressé de questions par Boulogne, finit par lui nommer les insermentés cachés dans la commune et le lieu de leur refuge. Robin, conduit au corps de garde, fut contraint par menace à singer une réquisition, en vertu de laquelle six hommes et un caporal fouillèrent le Clos-neuf et découvrirent Georgelin dans un grenier. Les chouans par représailles assassineront Robin l’année suivante, le 15 fructidor VI.

[14] A.N. 1er 7 : 7103. Les administ. des C.-d-N au Ministre de la Police, le 19 Ventôse.

[15] Sébastien-Michel Amelot (1741 – 1829) était évêque de Vannes depuis 1775. Il refusera en 1801, ainsi que Jean-François de la Marche, évêque de Saint-Pol-de-léon, de se démettre de son siège. 

[16] A.C.D.N. : 1 (m3), 138. Lettre du 21 thermidor VII.

[17] A.C.D.N. : 1 (m3), 23. Rapport sur l’état du canton de Saint-Gilles-les-Bois, 23 frimaire VII.

 




 

Regardez mes vidéos sur Youtube



"Paul McCartney à Montevideo 2014"


https://www.youtube.com/watch?v=vgz-z6nvcQ0




"L'Abbaye de Beauport"


https://www.youtube.com/watch?v=MU5JH8a3_Ow&t=363s



Commandez mes récits sur www.edilivre.com :


"Les monuments mégalithiques en Bretagne"


"La tranchée des bagnards"





"L'Abbaye de Beauport"



Une abbaye maritime bretonne.


Paru le 11 janvier 2016





Suivez le lien pour lire un extrait ou le 



commander:


http://www.edilivre.com/l-abbaye-de-beauport-jose-maria-gil-puchol.html





Votre soutien fait possible la création artistique. 



Appuyez financièrement mon travail.

Tous vos dons son acceptés. Compte bancaire 

Your support makes artistic creation possible.  

Support my work financially. 

 All your donations are accepted.  

Bank account



IBAN:




C. E. BRET. P. DE LOIRE






FR76-1444-5202-0004-7691-1755-844