dimanche 29 janvier 2023

La chapelle Saint-Michel dans les Monts d'Arrée dans le Finistère.

 

Chapelle Saint-Michel à Brasparts.


Chapelle Saint-Michel des Monts d’Arrée. Finistère.

GPS : 48.352058, -3.950329

 

Les Monts d’Arrée (menez Mikael-an-Are en breton) se caractérisent par l’abondance de bruyères et par ses paysages arides. A Huelgoat, nous avons pu vérifier l’originalité de ces paysages où abondent les ruisseaux et les cascades, où et les blocs de granit forment des chaos sur le lit de l’Argent. Ils se dressent en équilibre, ils s’amoncèlent ci et là, ils surplombent un gouffre, ils créent des formes étranges et surprenants, comme si les êtres invisibles qui les habitaient voudraient se faire connaître. C’est un grand plaisir de marcher à travers cette forêt touffue encadrée par ces gigantesques boules de granit et ces grands arbres qui boivent les eaux gazouillantes, un peu mystérieuses et enchantées par les légendes.


Parking.


Après Huelgoat, où nous avons passé une belle journée et nous avons acheté quelques pierres dans les magasins, nous arrivons à La Feuillée où se trouvent, pas loin, les marais de Saint-Michel. Puis, nous nous garons sur le parking du mont Saint-Michel pour regarder l’immense et sauvage panorama qui s’étend autour de nous et monter en haut pour visiter sa chapelle à une altitude de 381 mètres, le point culminant de Bretagne. Autour de nous, il existe aussi des sentiers de randonnée et une route depuis la D785 qui permettent l’accès au sommet. Depuis le parking, nous empruntons les escaliers qui mènent directement au sommet.

 

Chemin d'accès à pied.

Nous profitons du paysage qui s’étend sous nos yeux : au nord, la crête du Roc'h Trévézel ; à l'est, les tourbières du Yeun Elez et le lac de Brennilis, et le massif granitique de Huelgoat derrière ; au sud, les Montagnes Noires où se dessinent sur l'horizon les silhouettes des crêtes. Par beau temps, vers le nord on peut voir le pont de l'Iroise et la baie de Morlaix.

 

Escaliers qui mènent au sommet.

Ici, le vent est âpre, un vent qui souffle sur une terre nue, qui a été ravagée et brûlée cet été 2022 par le malheureux incendie qui a tout dévasté.

En 2010, entre les communes de Botmeur et Commana, un grand incendie ravagea déjà la région des Monts d’Arrée. Mais, en juillet 2022, un autre encore plus important s’est déclaré à cause des fortes chaleurs qui ont entraîné des températures allant jusqu'à 40 °C dans cette région, quelque chose d'exceptionnel pour cette région. Cette hausse des températures a provoqué un premier incendie le 18 juillet dans l'après-midi autour de la ferme des artisans. Un deuxième part plus tard dans la soirée du côté de Brennilis.


Sentier d'accès au sommet du mont.


Bien que la chapelle soit menacée par le premier incendie, elle est épargnée des flammes. Les deux incendies ont brûlé une surface de 1725 hectares et environ 500 personnes des villes des alentours ont été priées de quitter les lieux par sécurité. Une enquête a été engagée afin de découvrir les responsables de cette catastrophe, visant en particulier le départ de feu à Brennilis qui, d'après certains indices, pourrait avoir une origine criminelle.


Vue vers l'est. Centrale de Brennilis au fond.


 François Pinaud s’est engagé à financer un plan de restauration planifié par le département du Finistère concernant la chapelle, le Mont Saint-Michel et les Monts d’Arrée apportant un montant de 550 000 €.

 Mais lorsque nous visitons la chapelle, nous sommes en avril 2022, l’incendie ne s’est pas encore déclaré et le paysage hivernal nous oblige bien à nous protéger du vent froid. Quelques fois, à cause du temps hivernal, la chapelle peut disparaître cachée par les nuages ou est blanchie par la neige.

Nous arrivons sommet, où se trouve la chapelle Saint-Michel, endroit isolé de prière et de recueillement ; au loin, à l’est, se dessinent la centrale nucléaire de Brennilis à l’arrêt depuis longtemps, des villages tout petits, des rochers, des champs...




L’Archange saint Michel[1] est le plus puissant de tous les anges, il est gardien de l’Eglise et Patron de la France. En l’an 490, il fait son apparition sur le mont Gargan en Italie; plus tard, le 16 octobre 708 il apparaît à saint Aubert, évêque d’Avranches, au mont Tombe, qui se trouve entre la Normandie et la Bretagne. Saint Michel lui demande de bâtir un sanctuaire, que les siècles suivants ont transformé en cette merveille architecturale connue de tous aujourd’hui comme le monastère du Mont Saint-Michel. De cette manière, l’Archange devient le grand protecteur de la France, dont la présence intervient dans les grands faits de son histoire.


Vue sur l'ouest.


Pour les paysans, Saint-Michel était appelé pour avoir un temps clément pendant la période des récoltes et pour soulager les malades. Comme c’est la coutume, nous faisons le tour de la chapelle à l'extérieur, mais à l'intérieur il faut le faire, pieds nus, un rituel pas connu de tout le monde. Nous le ferons plutôt en été, quand il fera beau. L’intérieur de la chapelle est pleine d’objets de pitié, d’images, de prières accrochées sur les murs.


Côté sud. Intérieur de la chapelle. 


 

Pour la saint Michel, le 29 septembre nous sommes tous invités à prier Saint-Michel, Chef des Anges, qui fut auparavant un modèle pour Jeanne d’Arc, et qui demeure l’exécuteur des volontés divines.

Les qualités de Saint-Michel sont nombreuses.

Il est préposé aux affaires du Paradis, Præpositas Paradisi ;

il vient au secours du Peuple de Dieu, Veni in adiutorium populo Dei ;

il parle aux âmes en son nom, Dei nuntius pro animabus iustis ;

il porte au Ciel l’encens de nos repentirs et de nos prières, Data sunt ei incensa multa ut adoleret ea ante altare aureum;

il participe victorieusement à nos batailles contre le démon, pugnavit cum eo et fecit victoriam ;

il a comme mission de recevoir nos âmes pour les présenter au juge du combat, principem super animas suscipiendas.


Prière à Saint-Michel.

Ces missions, ne sont-elles pas comme le reflet de nos demandes, de nos espérances qui remplissent nos âmes, sans oublier notre famille, ni nos amis, ni nos proches, ni ceux qui n’ont pas de toit, ni ceux qui n’ont rien à manger, ni ceux qui sont malades et souffrants de maladies graves, ni ceux qui meurent, ni ceux qui sont tout seuls, dont les vertus et les fautes seront pesées par saint Michel au tribunal divin ? Nos prières seront guidées par la volonté de l’Archange qui répondra pleinement aux besoins de chacun de nous.


Des prières, des objets de pitié, de petites statuettes de la Vierge Marie ont leur place dans les niches à l'intérieur de la chapelle.


Nombreux sont ceux qui partent en pèlerinage au Mont Saint-Michel en Normandie poussés par une foi remarquable à la rencontre de l’Archange dont la statue se trouve dans presque toutes les églises. Ce n’est pas par hasard que Saint-Michel soit vénéré partout :  et aux Monts d’Arrée, Saint-Michel se trouve sur le point le plus élevé en Bretagne. Cette chapelle de Brasparts est un témoin directe de la confiance que les fidèles ont mis sur leur céleste protecteur prêt à porter secours tant aux moissonneurs qu’aux malades. Nous ne devons pas oublier Dom Michel Le Nobletz, le plus dévot serviteur de saint Michel que le Finistère ait connu.


Baie sud.


Souhaitons que Saint-Michel, vénérable Serviteur de Dieu, imprègne nos prières de l’ardeur nécessaire afin qu’elles deviennent plus puissantes auprès du Seigneur.

La dévotion à saint Michel doit conduire naturellement à la dévotion à la Sainte Vierge. C’est en l’honneur de son Fils Jésus, que saint Michel a lutté contre Lucifer. Lorsqu’on persévère, la prière, notamment le Rosaire, a toujours été une arme de victoire par excellence entre les mains des chrétiens sans distinction : saint Dominique a vaincu avec le chapelet la plus antisociale des hérésies ; saint Pie V et Clément XI ont stoppé deux fois l’offensive Turque contre l’Europe chrétienne ; le Bienheureux Grignon de Montfort a réussi la liberté religieuse pour la Vendée, la Bretagne et la France entière pendant la Révolution.


Sur les murs, des prières, des images...


La chapelle dédiée à l'Archange Saint Michel surplombe les Monts d'Arrée au sein même du Parc Naturel d’Armorique[2], sur la commune de Saint-Rivoal. En haut, un magnifique point de vue 360° nous attend.

Site classé, les Monts d’Arrée offrent un paysage emblématique qui s'inscrit aussi comme décor de fond des légendes bretonnes : crêtes arides et montagneuses, étendues de landes, chaos granitiques et affleurements rocheux, gisement de tourbières parcourus par les protagonistes du terroir tels les druides, les fées, les elfes, les korrigans ou les lutins...


En face, côté est et petit autel.


Mais ce monticule n’a pas toujours été occupé par Saint-Michel. Auparavant, c’était un lieu de culte druidique appelé la motte Cronon, où le Dieu celte Belenos, dieu du soleil, était vénéré.

Le christianisme remplaça ces anciens cultes qui furent abandonnés et occupa leur place.


Saint-Michel et Sainte-Thérèse de Lisieux.


Au XVIIème siècle, le sieur de Kermabon, seigneur en Plonévez du Faou et propriétaire du lieu autorisa la construction d'une chapelle. Peu avant 1673, un oratoire prit place en forme de simple cabane avec une structure constituée de perches et de panneaux de branchages.

Plus tard, la cabane fut aménagée : les pierres des environs servirent comme carrière pour construire les murs, de Hengoat en Saint-Cadou proviennent les ardoises du toit et on installa une charpente en bois de chêne du bois de Bodriec.


Côté est et petit autel.


Le 29 septembre 1677, jour de la Saint-Michel la chapelle fut consacrée. C’étaient les bergers qui la fréquentaient pour s’abriter jusqu'en1860 car l'élevage de moutons était très abondant à cette époque dans les Monts d'Arrée. Pendant la Révolution elle tomba en ruines et fut rénovée en 1821 et 1891.

Les légendes des Monts d'Arrée.

L'Archange Saint-Michel ayant terrassé le dragon, symbole du mal, une chapelle fut érigée au sommet de cette montagne. En contrebas, le terrain est occupé par le marais et les tourbières : c’est le Yeun Elez ou marais de l'Ellez, où se trouve le Youdig ou les portes d’accès à l'enfer.

Nombreux sont les contes et les légendes qui se sont développé autour de ces forêts touffues où habitent les korrigans, la Dame Blanche ou les elfes :


Symbole celtique sur le mur nord à l'intérieur.


« En ce temps-là, les elfes se composaient de communautés nombreuses et variées. Il y avait… ceux qui aimaient à gambader au plus profond des bois et des forêts. Ils parlaient le langage des animaux, celui des arbres, des herbes folles. Jamais bien loin se trouvaient leurs voisins, les elfes de plaine. La tête couronnée de fleurs parfumées, ils dansaient, sautillaient des journées entières dans les près, au milieu de nuées d’oiseaux.

A barboter dans les torrents, les lacs et les étangs, tout autant qu’au fond des mers, on trouvait ceux de l’eau.

N’oublions pas les elfes gris, compagnons de la lune et des animaux nocturnes.

Les elfes noirs, originaires des racines du vieil arbre soutenant le monde[3]. »


Légende sur la porte d'entrée.


Un étrange cercle en béton se trouve à côté de la chapelle. Ce sont les restes d'un grand radar « Bernhard » utilisé par les Allemands pour la radio-navigation pour leurs bombardiers pendant la Seconde Guerre Mondiale. Ils prirent les pierres du muret de la chapelle pour la construction du socle du système de guidage. Ce radar était monté sur un rail circulaire en béton de 22m de diamètre. On peut voir aussi d’autres traces qui appartiennent aux baraquements des Allemands.

L'émetteur n’était qu’une immense antenne en acier qui pesait 25 tonnes pour 28 mètres de haut et 35 mètres de large. On peut toujours voir sur la droite de la chapelle les restes de ce système de guidage sous la forme de deux bunkers.




 

Autour de la Montagne Saint Michel, se trouvent les plus hauts sommets de Bretagne :

Roc'h Ruz (385 m)

Tuchenn Kador et Roc'h Trévézel (384 m)

Roc'h Tredudon (381 m)

Roc'h Bichourel (339 m)

Roc'h Cleguer (306m)

 

Jacques Cambry nous a laissé son témoignage lorsqu’il a parcouru de fond en comble le Finistère pour faire un rapport officiel après la Révolution sur l’état des lieux et de sa population en 1794 - 1795 :

« En approchant de cette chapelle, la terre se dépouille d’arbres et de buissons (...) : elle n’est plus couverte que de bruyères et de rochers, brisés par les orages, ou décomposés par les tems. Tout prend un caractère sauvage, un air de mort ; c’est l’aspect d’un vaste désert, dont rien n’égaie ou ne varie la longue et fatigante uniformité. Les derniers villages, les derniers champs, forment des îles séparées, entourées de rochers, d’une espèce de tourbe, d’une terre noirâtre et marécageuse, résultat de bruyères corrompues, accumulées pendant des siècles[4]. »


Vue nord.


Pendant l'année, nous pouvons aller à la chapelle pour participer aux manifestations religieuses qui sont programmées sur place. Deux pardons ont lieu : le jour de Saint Michel le 8 mai et le jour de la Saint Michel le 29 septembre. Dès 1915, et pendant toute la durée de la Première Guerre mondiale, des pèlerins allaient invoquer l'archange saint Michel et priaient pour le retour de la paix et des soldats.

 Dans le Courrier du Finistère, il y a un article décrivant un pardon organisé en pleine guerre en septembre 1917 :

 « La procession partit de Brasparts à 8 h 30 (…). En route, le pieux cortège alla toujours grossissant. Vers 10 h., on arrivait au pied de la montagne. Pendant le trajet, on récita le rosaire, on chanta les litanies des saints et le cantique à Saint Michel : « Euz hotrôn saret huet, var lein Menez Are… » (« De votre trône élevé sur le faîte des Monts d’Arrée, veillez sur nous, ô saint Michel, veillez sur nous à chaque instant »).

 


À 10 h 30, la procession de Brasparts arrivait à la chapelle où se trouvaient déjà de nombreux pèlerins venus avec leurs pasteurs, de toutes les paroisses des environs : de Saint-Rivoal et de Saint-Cadou, de Lannédern, de Botmeur, de Brennilis, de La Feuillée, de Commana, de Saint-Sauveur, etc. ».

(Le Courrier du Finistèren° 1948, 26 mai 1917 - d'après Wikipédia. Voir note en bas).

 

Après les cérémonies, des colporteurs attendaient les pèlerins qui prenaient leur repas et le café en plein air.

 

Restes des bâtiments de la Seconde Guerre mondiale.

François Joncour a illustré ces moments de pèlerinage sur des cartes postales. En 1919, une route d’accès au mont rend plus facile l’arrivée des pèlerins et des touristes. Pendant la Seconde Guerre mondiale elle fut goudronnée par les Allemands pour des raisons stratégiques.

 En 1920, Camille Vallaux écrit un article « Plaidoyer pour la "chapelle des bergers" », qui présente tout l'historique de la chapelle et des bergers dont les troupeaux ont longtemps fréquenté les environs. Un monument du souvenir faillit être construit sur le sommet après la Première Guerre mondiale, le projet architectural étant très avancé, les plans étant réalisés en mars 1918 par Charles Chaussepied, mais le sommet du mont étant un site classé depuis 1910, on y renonça finalement et le projet fut repris à Sainte-Anne-d'Auray.

 Vous pouvez consulter l’article de Camille Vallaux « Plaidoyer pour la chapelle des bergers ». Il était agrégé de géographie, docteur ès lettres (en 1927), professeur au Lycée de Pontivy, Morbihan (en 1895). De 1919 à 1932, il enseigne l'histoire au Lycée Janson de Sailly et la géographie à l'Ecole des Hautes études commerciales à Paris puis examinateur honoraire d'admission à l'École navale. Dans cet article écrit en 1920, « Plaidoyer pour la chapelle des bergers », il expose l’histoire de la chapelle et la vie des bergers.






Documents consultés pour la réalisation de cette article: voir ci-dessous.

[1]La Voix de Saint-Corentin. Bulletin mensuel de la paroisse. Quimper. 5è année n° 7. Vendredi 1er octobre 1915.

[2] La Montagne Saint Michel. Site officiel de l'Office de Tourisme des Monts d'Arrée https://www.montsdarreetourisme.bzh/découvrir/côté-nature/montagne-saint-michel

 

[3] Xavier HUSSON. Merveilles et légendes de Bretagne. Editions Au bord des Continents. Page 101. 2021.

[4] Jacques Cambry, Voyage dans le Finistère ou état de ce département en 1794 et 1795, t.1,Paris, librairie du Cercle social, 1798. Lire en ligne sur GALLICA https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k103387b/f247.image, p.235-242

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Images prises 

  le 18 avril 2022 à La chapelle Saint-Michel. Brasparts.

29190 Saint-Rivoal

 
  Pour utiliser ces images, veuillez me consulter.
 
2023©José María Gil Puchol Productions 

 

Photographe à Loudéac 22600

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