mardi 1 mai 2012

Kan ar bobl: Le chant du peuple.Pontivy (56).



"KAN AR BOBL": LE CHANT DU PEUPLE.
1er avril 2012 au Palais des congrès à Pontivy (56).


Edition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.


Gourlan Quartet.






Edition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.


La danse bretonne au rythme du biniou et de la bombarde.

Auparavant, dans les fêtes des noces à la campagne, dans les foires, dans les soirées, au travail on entendait des récits historiques et des chansons d'amour ; au chevet des morts, on accompagnait les défunts avec des cantiques funèbres ; aux assemblées des pardons, on récitait les complaintes et les légendes des saints. C'est le Kan ar bobl, le chant du peuple breton.


















Edition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.


Gourlan Quartet en compétition.


 Le 1er avril 2012, au Palais des Congrès de Pontivy, environ 700 chanteurs, conteurs et musiciens ont été convoqués, à l'occasion de la grande finale du concours de chant breton, représentant leur pays et leur terroir. 



Faisons un peu d'histoire...














Édition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.

Palais des congrès à Pontivy.


Les Bretons habitant la Grande-Bretagne, furent envahis par des peuples germaniques, les Angles et les Saxons. Une partie des ces ethnies celtiques autochtones qui parlaient le gallois, furent refoulés et vinrent s'installer dans la partie occidentale et montagneuse de l'île ; d'autres, vers le VIème siècle, traversèrent l'océan et colonisèrent l'Armorique. Ceux qui restèrent sur l'île, furent vaincus au XIIIème siècle mais conservèrent leur langue galloise jusqu'à nos jours. [Y.L.-Bécot in « Poésie lyrique des Bretons d'Outre-Mer »].



















Édition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.

Gourlan Quartet: joueur de clarinette.


Ces accrochages entre Bretons et Anglo-saxons eurent lieu au Vième et VIIème siècles et suivants. A cette époque, ces armées étaient organisées en bandes encore très sauvages et défendaient leur territoire sous l'encouragement des poètes guerriers. C'étaient les bardes dont les chants servaient à ranimer l'ardeur des soldats entre les combats ou même dans la bataille. Ces poètes guerriers formaient une caste et étaient au service des chefs, se constituant en petits princes à la tête des peuplades celtiques. Pendant l'ère féodale, il y a avait des bardes féodaux au service des seigneurs. L. Le Saint [« Une terre de granit : La Bretagne et son histoire ». Limoges 1891] explique que « Les bardes furent les premiers poètes de la langue celtique tant sur l'île britannique qu'en Armorique. Après la chute du druidisme, ces bardes devinrent peu à peu de simples chanteurs populaires, remplacés de nos jours par les mendiants et les kloër – écoliers poètes – exerçant par leurs chants une grande influence morale. »













Bombarde et biniou dans 
un fest-noz à Plémet.

La danse bretonne autour des musiciens.

 L'ardeur guerrière assoupie, cette musique celtique a évoluée en Bretagne en un intérêt festif, émotionnel, historique, légendaire ou spirituel. D'après Joachim Gaultier Du Mottay [Géographie départementale des Côtes du Nord (Saint-Brieuc 1862)], la commune de Paule, près de Glomel, était une des communes du département où l'on pouvait trouver le type celtique le plus pur et où l'on gardait en même temps avec le plus de ténacité les vieilles superstitions bretonnes. La légende de Leiz-Breiz, citée dans le Barzaz-Breiz, les chants populaires bretons, de M de La Ville-Marqué, s'y trouve encore dans toutes les mémoires.



La mémoire a conservé dans ces chants populaires, dits aussi sonnen, les exploits pendant les guerres de la Ligue, du fameux Eder de Beaumanoir, dit La Fontenelle, propriétaire au XVème siècle du château de Coatelan, à Prat.









Édition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.

Joueur de biniou du groupe Gourlan Quartet.


Ces sonnen étaient chantés à plusieurs reprises dans les mariages, les festivités, pendant ou après les taches quotidiennes, afin d'exprimer le sentiment et l'esprit populaire. Joaquim Gaultier Du Mottay témoigne qu' « Après une dure journée de travail, les familles se rassemblaient par une soirée d'octobre. Les hommes se reposent, les femmes filent, en chantant, sur un air aux finales traînantes, les sonen du vieil aveugle qui est venu ces jours derniers s'asseoir sur le pas de la porte.  Au village de la Sauderaie, dans le moulin du Vieux Guennaü, non loin de la pointe du Pouldu quelques familles s'étaient rassemblées. L'aveugle a reçu un morceau de pain de seigle et quelques crêpes qu'il s'est hâté de ramasser dans sa besace de cuir. En échange, il s'est mis à chanter : Tostet ott de clevoet, Eur sonen newé composet... Approchez-vous, venez entendre/Un air nouvellement composé... »


 Le jeune matelot chantait « Le chant du jeune breton », se souvenant de sa campagne et de sa paroisse, ainsi que les aventures de Jacquette Er-Gallaü : « Dans le moulin de l'abbaye se trouvent trois jeunes filles qui portent des souliers de cuir jaune avec des boucles d'argent... ».









Edition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.

Didier Durassier: 1er prix instruments solo.


Le travail le plus important sur la lyrique bretonne est sans aucun doute le « Barzaz-Breiz » d'Hersart de la Villemarqué, qui a recueilli et imprimé ces chants bretons dans son ouvrage intitulé « Les airs du Barzaz-Breiz » publié en 1839 aux applaudissements par les savants de l'époque. H. Corbes [« Les airs du Barzaz-Breiz » (Société d’Émulation des Côtes du Nord. Tome LXVIII 1936. Saint-Brieuc)] a étudié le travail d'Hersart de la Villemarqué affirmant que la référence, devenue aujourd'hui le chef d'oeuvre de la littérature bretonne, ce sont les poèmes du Barzaz-Breiz, édités en 1839 par Hersart de la Villemarqué.










L'inoubliable foire à Merdrignac.

Mur peint rappelant la foire aux chevaux.


M Le Vicomte du Bois de la Villerabel s'est exprimé à ce sujet aussi [« Le Vieux Saint-Brieuc « La foire Fontaine et les vieilles rues Fardel »] sur l'influence du « Barzaz-Breiz » en Armorique. En Basse-Bretagne, l'arrivée des foires annonçait le développement des affaires et du commerce, mais aussi d'une ambiance festive et joyeuse : les fêtes et les réunions de famille étaient des moments de joie pour tous. Les foires organisées partout en Bretagne étaient des lieux de rencontre pour des échanges commerciaux importants. Il y avait la très renommée Foire-Fontaine de Saint-Brieuc qui durait huit jours. D'autres foires très célèbres aussi s'organisaient en Bretagne : les plus connues étaient celles de Ménébrez, Marhallac'h, Montbran, Saint-Magloire de Châtelaudren, Saint-Jacques de Tréméven, N.-D.-de-la-Tour en Lantic, qui duraient également huit jours.















Édition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.


Photographes, spectateurs et bénévoles.


La musique était le bruit qui prédominait par excellence et qui animait cette atmosphère commerciale dans les foires :« Dieu ! Quel tapage font ces rebouteux, ces malandrins, ces coupeurs de cheveux, ces estropiés par plaisir, chanteurs et criards de martroys et clabauds de cohue ! Oh ! Les oreilles ! Et les cloches, binious, tambourins et bombardes qui font danser le Rigodon ! ».















Musique populaire pour les festivités en plein air.
 
Rencontre des "Aînés ruraux" 2011 à Merdrignac.


Arrangés par des compositeurs modernes, un grand nombre de ces airs du Barzaz-Breiz (chansons, poèmes bretons) sont chantés pendant les foires et les fêtes. « Plusieurs airs du Barzaz-Breiz, explique H. Corbes, ont été chantés à Saint-Brieuc, le 22 août 1936, par la Chorale du Cercle Celtique de Nantes, avec des harmonisations dues à des maîtres tels que M Admirault, l'éminent compositeur, professeur au Conservatoire de Nantes, M Brissel, l'abbé Mayot, et Mlle Y Breket. »








Edition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.

Le duo Kergoziou et Poulmarc'h.

 Dans ce recueil du Barzaz-Breiz, enrichi au fur et à mesure, nous pouvons trouver plusieurs titres, entre autres : « La prophétie de Gwenc'hlan », « Le seigneur Nann et la Fée', « L'enfant supposé », « Les nains », « La peste d'Elliant », « Merlin », « Lez-breiz », « Héloïse et Abailard », « Le siège de Guingamp », « L'héritière de Keroulas », « Le chant des trépassés », « La tour d'armor », « Le tribut de Noménoé »... Dans l'édition de 1839, on peut lire dans l'épigraphe de Fauriel : « ces airs ont toujours quelque chose de plaintif. On dirait à les entendre qu'ils ont été faits exprès pour être chantés dans les montagnes et répétés et prolongés par les plus sauvages et les plus bruyants de leurs échos. »








Édition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.

Molène Galard.


H. Corbes explique que du point de vue harmonique, la musique du Barzaz-Breiz présente les caractères essentiels de la musique populaire bretonne : usage fréquent des modes diatoniques grecs et liberté du rythme. « Le Barzaz contient, certes, beaucoup d'airs en majeur et en mineur. En majeur « Le Combat des Trente », « Le Siège de Guingamp » qui est le même que celui de Rhyvelgyrch Gwyr Glamorgan, que Bretons et Gallois chantaient suivant la tradition dans les rangs français et anglais, à la bataille de Saint-Cast (1758). Parmi les airs mineurs, la « Prophétie de Gwenc'hlan » ».

La plupart des airs chantés au XIXème siècle dans les campagnes bretonnes ont subi des modifications par les chanteurs depuis un siècle ; les auteurs des cantiques ont souvent déformé les airs du Barzaz, la musique celtique reposant sur des modes et rythmes grecs. « On peut dire sans exagération, poursuit H. Corbes, que la partie musicale du Barzaz-Breiz est à la hauteur de la partie littéraire de ce chef-d’œuvre, ce qui n'est pas un mince éloge. »







Edition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.

Clément Bobinet.

Aux airs du Barzaz-Breiz, il faudrait ajouter aussi les Cantiques bretons du grand organiste Charles Collin (1827-1911). Ce sont de larges et belles compositions dont l'air breton forme le thème. Charles Collin signala aussi la survivance en Basse-Bretagne des modes et des rythmes de la musique grecque antique [peut-être apportée pendant les échanges culturels à l'époque de la civilisation romaine?]. La valeur de la musique bretonne était confirmée par les autorités. Dans une lettre de Mgr David évêque de Saint-Brieuc et Tréguier, le prélat fait savoir son goût par cette antique musique bretonne : « Nos antiques mélodies bretonnes sont à peu près inconnues et pourtant quelques-unes sont ravissantes, comme tout ce qui a jailli spontanément de l'âme humaine aux époques primitives. Empreintes de tristesse, de grandeur, de je ne sais quelle pieuse rêverie, elles reflètent bien le caractère de notre Bretagne chevaleresque, pensive, grave, ardente, sous les apparences du calme. »










Édition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.

Gourlan Quartet: joueur de bombarde.


« Ces instruments qui produisent un tel bruit sont la bombarde et le biniou, usités dans d'autres pays que la Bretagne », affirme H. Corbes [« Les vieux instruments de Musique Celtique »]. La bombarde est une sorte de hautbois, flûte ou trompette simple et rustique. Faite de bois ou d'ébène à anche double, elle a 6 trous que l'on peut boucher avec les doigts de chaque main. Le biniou était déjà utilisé par l'armée romaine. Les romains qui appelaient cet instrument tibia utricularis, était composé d'un sac de cuir gonflé d'air. On y insufflait l'air par un tuyau et ressortait par un autre tuyau percé de plusieurs trous. Au Moyen Age, cet instrument fut employé dans presque tous les pays d'Europe sous le nom de « cornemuse » ou « musette » en France, de « bag-pipe » en Ecosse, de « gaita » en Galice. Au XVI siècle on ajouta un autre tuyau au biniou, le bourdon qui donnait un son grave continu. Plus tard, on augmenta le nombre des bourdons à trois pour la cornemuse écossaise.







Edition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.
 
Reynal Roussel: joueur de biniou.


Dès la fin du XVIIIème siècle, bombarde et biniou étaient les instruments présents dans toutes les fêtes bretonnes : noces, foires et pardons. On peut citer quelques sonneurs célèbres tels les frères Matéo et Job Le Gall, de Gouarec ; Bornugat, de Vannes, et Mathurin l'Aveugle (Matilin an Dall) qui joua devant le roi Luois-Philippe. Brizeux disait de lui :

« Vieux Mathurin, aveugle, allons, prend ta bombarde !
 
Place-toi sur la porte et pour moi joue un air,
Quand je traverserai le pont du Gorré-Ker (Marie, Le Retour).

Le biniou était l'instrument populaire par excellence. Des concours de biniou eurent lieu à Vannes en 1891 et à Brest en 1895. Des sonneurs de binious venaient pour la fête des courses de Saint-Brieuc et le pardon de Moncontour. Quellien, dans son livre « Chansons et Danses des Bretons », transcrivit 27 airs de bombarde et biniou ; de 1900 à 1905, le 48è Régiment d'Infanterie de Guingamp eut 6 bombardes et 6 binious dans sa musique. Le pays du biniou s’étendait sur le pays Vannetais et la Cornouaille, arrivant jusqu'à Loudéac et Mûr-de-Bretagne. Puis, au XX siècle, le biniou disparut après la guerre pour faire place à l'accordéon et au phonographe. A travers les cercles celtiques, les jeunes gens prennent connaissance de ces vieux instruments pour les mettre à l'honneur.






Journée du patrimoine à St Caradec 2011.

Cercle celtique de Mûr-de-Bretagne.


Les danses bretonnes utilisent une musique différente à celle des chansons populaires : cette musique accompagne les pas des danseurs à un rythme très régulier et même « carré ». Les mesures utilisées sont 2/4 ou 6/8, sur deux phrases de 8 mesures chacune. La mélodie est plus monotone que celle des chansons et son étendue est limitée par l'étendue des sons de la bombarde (une octave et la note sensible inférieure). La plupart des airs de danse sont en majeur, en mineur ou en 1er mode du plain-chant.  


















Journée du patrimoine à Saint-Caradec 2011.

Cercle celtique de Saint-Caradec.
 Ce Barzaz-Breiz ou chanson bretonne n'a que deux formes: le gwerz et le sonn. Le sujet du gwerz est historique, mythologique ou légendaire, c'est-à-dire, épique et n'a pas de refrain. Il se chante le plus souvent sur une sorte de mélopée ou chant monotone. Le refrain est spécialement réservé au sonn appelé aussi kanaouen dans le Trégor. Il célèbre l'amour et les fêtes, est accompagné toujours d'un refrain ou diskan, et sa mélodie est variée à l'infini. D'une mélodie très simple, le sonn est la vraie chanson avec toutes ses variétés : élégie, satire, berceuse, ronde et toutes sortes de chants chorégraphiques. Si un sonn se limite au seul récit, dans ce cas, il adopte le refrain et ne doit jamais intervenir dans le rythme mélodique ni dans l'importance historique du gwerz.









Édition Kan ar bobl 2012 à Pontivy. 
 
Jean Billon.

Si les chansons vraiment populaires restent anonymes, pour la plupart, il est vrai que les bardes chantaient leurs propres compositions. Ces chants sont rimés et divisés généralement en distiques ou en quatrains. Quelques-uns sont coupés en tercets et présentent des allitérations. Charles de Gaulle a dit à propos de la musique bretonne : « La poésie est innée chez le Breton ; le pâtre dans la lande, le laboureur à la charrue, le marin dans sa barque, le mendiant sur le grand chemin, la jeune fille au lavoir ou auprès de son rouet, sont poètes à leurs heures et ils le sont souvent avec une noblesse et une délicatesse exquise de sentiment. »












Edition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.

Guy Pensec.

    Mahé de la Bourdonnais [« Voyage en Basse-Bretagne chez les Bigoudens de Pont-l'Abbé »Paris 1892] nous explique qu'en Bretagne, les sonnen et la musique populaire sont joués les jours de foire, de fêtes et dans les noces « où le veau, le bœuf, le fard au four, les vins de tout espèce et l'eau-de-vie sont prodigués ; on s'égaie, on s’enivre surtout, au son du biniou, des tambourins et des bombardes. On chante des chansons fort gaies, sur des airs pleins de vivacité, d'une mesure pressée ; on danse avec un aplomb, une justesse d'oreille inimaginables ».







Edition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.

    Exhibition de Gouren, l'art martial breton.

    Le travail était un moment pendant lequel les Bretons aimaient aussi chanter ensemble et partager l'émotion du chant. Charles Géniaux raconte [« La Bretagne vivante » Paris 1912] que « Le battage au fléau est toujours rythmé par une chanson qu'un dépiqueur entonne et auquel ses camarades répondent. Les patours s'interpellent de coteau à coteau et les claquements de leurs fouets accompagnent les refrains. » Il souligne que « Au point de vue esthétique, les artistes eux-mêmes ne peuvent pas s'entendre sur la valeur picturale de l'Armorique. La majorité la voit grise avec des dégradations harmonieuses et tristes ; elle apparaît colorée et vibrante à d'autres peintres. Landes dorées et roses, mer d'un bleu de cobalt l'été, roches de porphyre rouge, coiffes, guimpes et collerettes blanches des femmes, costumes bleu de roi, cotillons écarlates, près d'un vert inimitable parmi leurs eaux courantes font de la Bretagne une contrée multicolore, et c'est ainsi que Simon, Le Mordant et Maufra la traduisent. D'autres peintres comme Cottet, l'aperçoivent en deuil. Les uns et les autres ont d'ailleurs raison. Suivant les jours et les saisons, le landier, les rivages et les vallées mettent leurs capots ou leurs habits de fête. »




Pays de Gomené. Côtes d'Armor.

Ancien manoir du Plessis Rebours à Gomené.

« Dans les petites fermes, poursuit Charles Géniaux, aussi incroyable que cela paraisse, on bat encore le blé et le seigle au fléau. Huit personnes, hommes et femmes, disposés comme pour un quadrille, sont armés d'un fléau, instrument primitif, sorte de fouet de bois, dont les deux parties, le manche et le battant sont reliés par une charnière souple et pivotante en peau de porc. Les deux groupes de quatre travailleurs marchent à la rencontre l'un de l'autre, tout en frappant à temps alternés et avec un rythme de plus en plus fort, les javelles étendues sur l'aire, appelée : Rüe. Presque toujours ces batteries s 'accompagnent de chant dont la cadence s’harmonise aux mouvements réguliers de leurs bras. Dans les métairies moyennes on se sert d'une mécanique, assez fruste, mise en action au moyen d'un manège de chevaux ou de bœufs. Au milieu de ce manège, sur une plate forme, un homme armé d'un fouet surveille la marche des animaux et les stimule de la voix et du geste. Une sorte d'arbre de couche denté transmet le mouvement à la batteuse et, comme presque tous les engrenages sont exposés à l'air libre, quelques paysans, chaque année, sont broyés par ces outils.







Les Forges à Perret. Côtes d'Armor.
Auparavant, les habitants des forges
célébraient leurs noces dans cette cantine
au rythme de biniou et bombarde.
 
Cantine et épicerie aux Forges des Salles.
Il règne, ces jours-là, une gaieté et une liberté d'allures que l'on ne retrouve plus dans les autres circonstances de la vie bretonne généralement réservée et muette.

Pendant tout le mois d'août, la campagne devient une immense ruche remplie du bourdonnement incessant des machines à battre. Le soir, les travailleurs s'en reviennent par bandes. Ils frappent le sol de leurs gros sabots et ils chantent de ces chants alternés, venus du fond de leur race et empreints d'une grandeur et d'une poésie véritables dans le silence auguste des nuits d'été.








Groupe de danse bretonne 
"La Truite du Ridor" de Plémet.
Côtes d'Armor.

Rencontre des "Aînés ruraux" 2011 à Merdrignac.

Une grande jouissance s'étend dans les hameaux l'été venu, car le moment des mariages est arrivé. Accompagnés par les sons des binious et des bombardes, les paysans sortent leurs beaux costumes de velours et marchent à travers les champs. « Ces instruments primitifs qui ressemblent aux cabrétaïres des Auvergnats et à la « nouba » des Arabes, exhalent des sons aigus, tour à tour joyeux et mélancoliques. Les sonneurs gonflent leurs joues à la grosseur des poches de leurs instruments et soufflent avec une force qui nous rassure sur la robustesse de leurs poumons. Ils s'interrompent pour boire du cidre. Un bon sonneur de biniou peut boire huit litres de ce liquide dans sa journée. 






Édition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.

Harpe, accordéon, cornemuse et harmonica.



Coënt et Léon, en haut à gauche; Claude Quintin, en bas à droite.

Le repas de noce terminé, les danses commencent : hommes et femmes se trémoussent en cadence avec une ardeur infatigable. Les gavottes, les ridées, les bals à quatre, les menuets, les balancées, sont dansés à la perfection. Le spectacle d'une ridée morbihannaise sautée par trois cents paysans atteint à la grandeur. Leur ronde évoque le cercle de l'éternité, la chaîne sans fin du monde, gravée sur les dolmens. En effet, n'est-ce pas l'image de la vie éternelle que cette vieillesse et cette jeunesse vivaces et gaillardes, associées dans leur joie ? »






Septembre 2011: haras de Lamballe.

Concours de cheval breton 2011 à Lamballe.

« Sans doute, dit Le Saint en citant M Willermé [« Une terre de granit : La Bretagne et son histoire », Limoges 1891], il est encore en France des contrées où les mœurs sont peu françaises ; mais quand, au milieu de ces montagnes d'un aspect si noir et si nu, de ces sites sauvages si communs dans l'intérieur de l'Armorique, on vient à rencontrer un habitant de ces lieux déserts portant de larges braies serrées par des cordons au-dessous du genou et retenues par les hanches à l'aide d'une ceinture de cuir qu'attache une énorme boucle de cuivre, les jambes enveloppées dans des espèces de bas également en cuir, les épaules couvertes de longs cheveux flottants, et que l'on entend sortir de sa bouche des mots inconnus, il est difficile de croire que cette étrange figure et ce langage inintelligible aient quelque chose de moderne. »







Édition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.


Le duo Dagorne, à la guitare, et Cojean, à l'accordéon.

« On est toujours certain de rencontrer les bardes dans les fêtes populaires, aussi bien que dans les fêtes de famille, aux mariages surtout, dont ils sont l'accompagnement coutumier ; du reste, ils ont des chansons appropriées à toutes les circonstances. Ces brazbaleerbro son toujours par les chemins ; de ferme en ferme ils s'en vont, mais avant de franchir le seuil, ils en demandent la permission par cet habituel salut : « Dieu vous bénisse gens de cette maison. » Après s'être réconfortés, ils remercient leurs hôtes d'un moment en chantant la dernière ballade de leur composition, ou le gwerz qu'on leur demande, puis ils s'en vont plus loin, le bissac de toile engrossé d'une miche et d'un morceau de lard. » [Albert Clouard et G. Brault in « Tro Breiz » (Tour de Bretagne), Paris 1892.]












Lors des festivités, la musique 
est un ingrédient essentiel.

Rencontre 2011 des "Aînés ruraux" à Merdrignac.

Albert Clouard et G. Brault nous ont transmis leurs expériences avec ce peuple breton, de ces « fest deiz » à la campagne. Le jour du mariage, un dialogue s'engage en vers d'une forme invariable entre le baz-valan, porte-parole du fiancé, et le brotaër, représentant de la jeune fille ; après la cérémonie religieuse, tous les conviés se rendent au lieu fixé pour le repas. « Comme les invités sont parfois au nombre de trois ou quatre cents et qu'on ne trouverait pas assez de tables et de bancs pour installer tout ce monde, voici comment on opère. On creuse dans un champ, à peu de distance l'un de l'autre, deux fossés aussi longs qu'il le faut ; les convives s'assoient sur le bord, et l'entre-d'eux fait une table superbe que l'on couvre de nappes. Alors commence une véritable ripaille : on dévore des bœufs entiers, on met à sec des tonneaux, tout le monde se soûle abominablement. Puis, on chante des chansons, on danse – comme on peut – on se roule, on hurle, on crie, on s'embrasse ; les binious, les bombardes, ne cessent de faire rage, et les sonneurs époumonés ne s'arrêtent que pour boire de grands verres de vin afin de se donner du cœur. »







Édition  Kan ar bobl 2012 à Pontivy.
Vielle et accordéon.

Sur scène: le duo Pantagruvielle.

Aujourd'hui, le Kan ar bobl est l'expression de ces chants du peuple breton, une des plus importantes manifestations de la culture bretonne. Ce concours est organisé chaque année où des centaines de musiciens et de chanteurs participent dans les sélections organisées dans toute la Bretagne dont la finale se tient à Pontivy. L'équipe lorientais du Festival des Cornemuses voulait organiser un concours de chant breton et en avril 1973 le festival de chant breton « Kan ar bobl », a vu sa première édition au Palais des Congrès à Lorient sous la direction de Polig Montjarret. Déjà un grand succès grâce aussi à la collaboration de Pierrot Guergadic dès son début, en 1977 les démarches de Pierrot Guergadic conduisent l'édition de ce festival à Pontivy.











Édition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.
Clarinette et accordéon.

Lorho-Pasco et Lintaff: 1er prix duos.

Suivant un esprit musical particulier qui se développe tout au long des années 70, des nouveaux talents font leur apparition en Bretagne ; des nouveaux musiciens se manifestent tels Alan Stivell, Dan ar Bras, Glenmor, Gilles Servat, tous prêts afin d'assurer les valeurs culturelles de leur pays à l'image de leurs amis celtes: les Dubliners ou les Chieftains.


Depuis sa création, le « Kan ar bobl » a accueilli quelques participants qui sont devenus aujourd'hui des géants de la culture celte. Sur le livre d'honneur du chant et de la musique bretonne, ont laissé leur signature encore vivante Yann Fañch Kemener, Annie Ebrel, Denez Prigent, Ar Re Yaounank, Nolwenne Korbel, Karma, Noluen Le Buhé, Marthe Vassallo, Nolwen Leroy...





Édition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.
Odran Bigot et son violon.

Odran Bigot: 1er prix solo.


Pour participer chaque année, les participants s'inscrivent aux Rencontres de Pays pour ensuite arriver à la sélection de la Grande Finale des Pays de Bretagne. Plusieurs catégories sont proposées aux participants chanteurs : Chant à écouter, Chant à danser ou Chant accompagné (en Gallo ou en Breton, les deux langues parlées en Bretagne). Les musiciens peuvent s’inscrire en Solo, Duo ou Groupe. Pour les petits, la catégorie Scolaires a été créée pour eux. Les inscriptions se font auprès de SKV,(Sonerien ha Kanerien Vreizh) Villa Carmélie, 55 rue Pinot Duclos, 22000 Saint-Brieuc.














Édition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.
Clarinette et guitare.
Duo: Tamm Ha Tamm.

Christian Rivoalen est l'actuel président de l'association qui organise la grande finale du Kan ar Bobl 2012 à Pontivy. Cette manifestation est devenue un concours incontournable de chants, musiques et contes traditionnels bretons. L'édition 2012 a regroupé les amateurs sélectionnés dans les 18 pays de Bretagne, étant donné que les chanteurs bretons sont très nombreux dans toute la région. Pour réduire le nombre de participants, le Kan ar Bobl organise depuis 1975 des éliminatoires dans les différentes régions. Et cette formule persiste aujourd'hui avec les rencontres de pays, puis la Finale à Pontivy. De cette manière, la santé du chant breton est testée chaque année.








Édition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.
Le jury note les performances des musiciens.


Photographes et spectateurs.

Cette manifestation culturelle, voie d'expression musicale en même temps qu'amicale pour ceux qui veulent donner une continuité aux préoccupations créatives, contribue à la vive transmission du patrimoine breton. Elle relie le savoir faire des anciens, gardiens de la mémoire, et les nouvelles inquiétudes des jeunes générations. Elle essaie de susciter l'envie d'innover en s'inspirant du riche patrimoine oral et musical que possède la Bretagne. Pour réveiller l'intérêt de cette culture Kan ar bobl est présenté sous forme de concours où générations, styles et instruments se mêlent. Le jury retient les concurrents les plus représentatifs de la rencontre qui seront ensuite invités à participer à la final de Pontivy. Plusieurs d'entre eux ont déjà récolté les lauriers du triomphe dans les dernières éditions.





Edition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.
Danielo et Paulov accompagnent la voix
de Mme Delamaire, à gauche. 
1er prix chant accompagné.


A droite, le trio Le Guévello, Le Corre et Le Mouël.

Au cours des derniers mois, dix-huit rencontres de pays ont eu lieu partout en Bretagne. Cette année 2012, un concours de Chant traditionnel, Conte et Musique du Pays de Saint-Brieuc et des terroirs voisins (Penthièvre, Mené, Loudéac, Fañch, Goëlo) a eu lieu à La Méaugon les 16 et 18 mars Salle des Roches Plates.
 
A travers ce concours, les amateurs et futurs professionnels montrent au public leur savoir faire et bénéficient des premiers opportunités d'arriver à un public prêt à écouter les nouvelles valeurs du folklore breton. Il n'y a pas de limite pour y participer : petits, jeunes, plus âgés... Il y a de la place pour tous. Les jeunes transmettent leur savoir fraîchement appris et les plus âgés sont prêts à nous transmettre leur savoir faire.






Édition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.
Le trio: Le Ruyet, Guével et Gautier.


Chant accompagné: la voix encadrée par le saxophone et la guitare.



Édition Kan ar bobl 2012 à Pontivy.





La remise des prix du Kan ar Bobl 2012 s'est déroulé au Palais des Congrès de Pontivy. Figurent ici les premiers prix.

Instruments solos : Odran Bigot, de Rennes (35) et Didier Durassier, de Saint-Barthélémy (56).

Instruments duos : Lorho-Pasco/Lintanff, de Brandivy (56).
Contes en gallo : Daniel Robert.
Contes en breton : Alan Tudoret.
Chant à danser : 1 Gilles Lehart/Yannick Dabot, de Bégard (22).
Prix jeune : Éléonore Chapon, de Dingé (35).
Chant accompagné : Delamaire/Danielo/Paulov, de Gestel (56).
Chant à écouter : Sterem Le Mouël.
Scolaires : Cycle 1. Prix encouragement : Skol vamm Kerandon, de Concarneau (29). Prix création écoles : École Sainte-Jeanne-d'Arc, du Guissény-sur-Mer. Cycle CM1/CM2 : école du Grand clos, de Saint-Brieuc (22). Encouragement gallo : Les gallopins. CE1/CE2 : 1 ex æquo. Skol Kentañ publik, de Plomeur (56) et skol publik, de Pabu (22). Collège : Skolaj Diwan, de Guissény-sur-Mer.
Groupes musicaux : Trio Tan, de Lorient (56). 









Images prises le 1er avril 2012 à Pontivy (56).


©Productions José María Gil Puchol.

Photographe à Loudéac.

FRANCE


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"La tranchée des bagnards, L'Abbaye de Beauport, Les monuments mégalithiques en Bretagne, La Vénus de Quinipily." 



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Œuvres consultés pour la réalisation de cet article :


Y.L. Bécot « Poésie lyrique des Bretons d'outre-mer ».

Joachim Gaultier Du Mottay (1810-1883) : Géographie départementale des Côtes du Nord. Ed Vivier. Saint-Brieuc 1862.

Société d’Émulation des Côtes du Nord. Tome XXVIII Saint-Brieuc 1890. « Barzaz-Breiz » Recueil des chants populaires de la Bretagne, publié aux applaudissements de l'Europe savante, par le vicomte de la Villemarqué, de l'Institut.

H. Corbes. « Les airs du Barzaz-Breiz ». Société d’Émulation des Côtes du Nord. Tome LXVIII 1936. Saint-Brieuc.

Émile Bessine (1852-1918). « En Bretagne : de Berne à Belle-Isle. Paris 1894.

Mahé de la Bourdonnais, A. « Voyage en Basse-Bretagne chez les Bigouden de Pont-l'Abbé », après vingt ans de voyages dans l'Inde et l'Indo-Chine, 1855 à 1866, 1872 à 1882. Paris 1892.

N. Quellien « La Bretagne Armoricaine ». Paris 1890.

Charles GENIAUX. « La Bretagne vivante ». Paris 1912.

L. Le Saint « Une terre de granit : La Bretagne et son histoire ». Limoges 1891.


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Capot : sorte de large capuchon plissé en drap noir.