mercredi 18 juillet 2012

Le sabot: chaussure en bois. La Chèze (22).




Bertrand et Amedé Aubry, artisans sabotiers de père en fils dans leur atelier à La Chèze.

Du 6 juillet au 31 août 2012, le Musée des Arts et Métiers à La Chèze organise l'exposition "De l'arbre au sabot" sur le métier de sabotier. Dans une série de 28 images couleur 20x30 cm, avec le club photo de Loudéac, je collabore avec huit images. Le métier de sabotier mis à l'honneur aujourd'hui, a beaucoup évolué.



Amedé et son fils Bertrand, cherchent un billot à débiter.

Amedé et Bertrand Aubry, sabotiers à La Chèze.
Dans un soucie de protéger la forêt des incendies, Louis XIV, en 1669, s'adresse à tous ceux qui utilisent le bois dans leur métier. Une ordonnace royale interdit aux sabotiers, verriers, cercliers et potiers de « tenir atelier à moins d'une demi-lieue de la forêt » soit deux kilomètres.

Où vivait une forêt, un sabotier logeait ! En breton, le sabotier est surnommé ineannen koed (âmes des bois) dans le pays vannetais et bataouer-prenn ou bataouer-koad (cordonnier du bois) dans la Cornouialle.





Amedé Aubry, l'exemple du travail accompli. 
Il a toujours conservé les mêmes machines
datant des années 50 du XXème siècle.

M Aubry, dans son atelier. Son père était aussi sabotier.
Les sabotiers en particulier, jusqu'au début du XXè siècle, étaient des habitants errants, sans domicile fixe. Ils allaient de ville en ville à la recherche du bois nécessaire pour leurs sabots et toute la famille habitait des simples huttes fabriquées par eux mêmes en forêt. Peu exigeants, les sabotiers s'installaient en forêt dans une simple hutte et parfois, un simple talus suffisait aux sabotiers itinérants pour s'établir quelques semaines ou quelques mois. Les paysans se méfiaient des sabotiers, car ces derniers avaient la fâcheuse tendance à se servir dans les champs de la même façon qu'ils se servaient en forêt. Après leur dur labeur de la semaine, ils sortaient le dimanche pour aller en ville. Considérés comme des marginaux à cette époque, ils se mariaient souvent « dans la famille » et leur mouvance éveillait soupçons et méfiance.





Les grumes ou bois débité.
Le bois est travaillé vert.


Le hêtre, du bois pour les sabots bretons.
Dans les années qui précèdent la Seconde Guerre Mondiale, les gens se demandaient entre eux de quel bois étaient chaussés, car, comme on le sait, les chaussures appelées « sabots » étaient en bois. Pour fabriquer cette chaussure paysanne, les essences étaient aussi variées que les régions. Chaque région utilisait le bois propre à son terroir : frêne, érable, bouleau, merisier, peuplier voire pin. Ces matériaux étaient idéaux pour fabriquer les chaussures en bois ; mais le bois préféré des sabotiers en Bretagne était sans aucun doute le hêtre, un arbre très abondant et répandu en forêt. Le hêtre, qui était appelé aussi fayard ou futeau, est un arbre qui met entre 80 à 100 années pour devenir adulte mûr, et utile donc pour les sabotiers. Les grumes ou bois débité peuvent se conserver jusqu'à un an.





Les Aubry ont fait des sabots 
pendant 3 générations à La Chèze.

Dessin du morceau de bois à découper.


Chaque bois a ses qualités et ses défauts. Les sabots de hêtre, par exemple, ne supportent bien l'alternance humide-sec et ont tendance à fendre à cause des décalages de température. La densité du bois varie selon les espèces. Et un aspect important à tenir compte pour le calcul de la pointure est le retrait : lors du séchage, le bois rétrécie de 2 à 3 mm.














 
 
 
Vue de l'atelier d'Amedé Aubry.

Atelier modeste, mais suffisant pour un travail de qualité.
 
 
 
 
 
Le bois tendre du peuplier facilite l'incrustation du sable et du gravier ; un avantage, car cette propriété augmente sa dureté et empêche de glisser. Le sabot de peuplier était donc utilisé pour chausser les marins-pêcheurs et mariniers, les fendeurs et lamineurs. Les tailleurs de pierre en utilisaient en moyenne 3 à 4 paires par an. Pour ces travailleurs dans les carrières, leurs chaussures en bois étaient fabriquées plus épais afin de pouvoir résister aux morsures du granit. 






Le billot est fendu en quatre quarts.

Scie à ruban.
Les fendeurs d'ardoise portaient des sabots particuliers dont la face interne était épaisse et verticale afin de permettre le blocage du schiste entre les deux sabots à la manière d'un étau. Ces sabots de labeur étaient taillés dans la partie du tronc la plus proche des racines, réputée plus dure que la partie du haut du tronc. De même que les hêtres des champs sont plus durs et lourds que ceux des forêts, le poids du bois était une question très importante étant donné que les personnes ne quittaient pas leurs sabots de la journée. Le frêne donnait des sabots plus résistants à l'eau pour les paysans et le merisier des sabots vernis pour les dames.


















Scie à ruban pour le découpage du bois.
Ces machines datent des années 1950.


Tout artisant, bien entendu, faisait de son mieux pour présenter son travail bien fait, tout en suivant pendant la fabrication des sabots une chronologie bien précise. Tout d'abord, le dimanche était souvent le jour réservé au choix du bois sur pied et son cubage. Les sabotiers se rendaient en campagne sur l'invitation d'un cultivateur désirant vendre son bois, ou en forêt pour examiner l'état d'un lot à vendre. A l'abattage, on prenait garde aux culées éjobelées c'est-à-dire, celles dont les racines formaient des contreforts saillants et on coupait au-dessus.

La première opération est le tronçonnage au passe-partout, ou découpe de billots dont la longueur varie  en fonction de la taille du sabot prévu et aussi de la grosseur du tronc.

En second, il faut fendre le billot en quatre quartiers minimum en tenant compte des fentes naturelles du bois.





 
 
 
Préparation de la tailleuse.
Deux quarts seront taillés d'après un modèle
installé dans la machine.

Machine à dégrossir.

A l'époque, venait ensuite l'ébauche ou dégrossi à la hache du sabotier, outil à lame recourbée, à manche court terminé par une loupe de bois permettant de poser l'outil sur la hanche lors du travail. Cet outil existait en option droitier ou gaucher. Aujourd'hui, suivant un modèle installé dans la machine, c'est la tailleuse qui dégrossi le sabot par deux.








Détail de la tailleuse en plein travail.
Le modèle est à droite.


Machine à dégrossir.

Lors du dégrossi, on détermine déjà le sabot gauche du droit en veillant à ce que l'écorce soit à l'intérieur et le cœur à l'extérieur. Il faut avoir le coup d'oeil car si les dimensions sont les mêmes pour les deux pieds, elles n'en sont pas moins inversées. On affine l'extérieur avec le paroir et le talon à l'aide de la gouge.









Les sabots sont prêts à être creusés.

Les deux paires de sabots ont été dégrossis.

Aujourd'hui, pour creuser le sabot on utilise une machine à creuser appelée creuseuse. Auparavant, pour ce faire, on utilisait d'abord la vrille puis des cuillers de différents tailles. L'intérieur du talon était creusé au boutoir. Enfin, la semelle intérieure était aplanie à la rouane. Les femmes effectuaient parfois ce travail appelé la creuse. Il reste à percer un petit trou dans chaque sabot à la percette pour lier la paire. C'est ensuite le moment du séchage pendant un ou deux jours dans un séchoir à claies suspendu au-dessus du feu de copeaux.





D'après un modèle fait à la main placé au milieu, la machine
creuse les deux autres sabots.

Creuseuse.

Dès que le bois blanchit, il est prêt pour la finition. Cette opération, appelée la pare, était souvent l'oeuvre des femmes. A cheval sur un chevalet, elles bloquaient le sabot entre une cheville de bois et leur ventre, puis, à l'aide d'un grattoir à fil retourné, elles lissaient le bois.









Sabots vernis prêts à être utilisés.


Pour terminer, chaque artisan dessine des motifs décoratifs à la rainette sans oublier la rainure profonde de 2 à 3 mm qui ceinture le cou-de-pied pour tendre le plëyon : fil de fer trempé destiné à éviter la fente du bois et clouté à ses deux extrémités.












Machine à creuser.

Une heure suffit pour faire une paire de sabots.

Les sabots sont ensuite stockés en piles deux mois environ ou un été, à l'ombre et loin des courants d'air ; car le vent halite, fait hâler ou noircir le bois.

Pour expédier les sabots, la mesure utilisée était la gaulée : soit dix paires de sabots. Une planchette supportait deux gaules verticales chevillées où étaient enfilées à cheval les paires de sabots en position opposée talon dans talon ; une seconde planchette coiffait l'ensemble ficelé. La gaulée pouvait être vendue au même prix mais avec des quantités différentes selon les tailles.






Sabot creux.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Pour protéger cette chaussure en bois contre les intempéries, dans le cas du sabot breton, tout bois pouvait s'utiliser avec des chaussons de feutre à l'intérieur ; très souvent on se contentait aussi de mettre un peu de paille. Le dessous était clouté de maillettes, clous très courts à grosses têtes disposés sur quelques rangées sous la semelle, mais jamais au milieu pour éviter la fente du bois.







Ponçage.

Pendant la guerre, les maillettes ne furent plus fabriquées et furent remplacées par des crampons ferrés provenant des usines de chaussures de Fougères, en Ille-et-Vilaine. Puis, avec des semelles caoutchouc moins bruyantes. Le sabot demi-couvert comportait une bride coussin en cuir enveloppant le cou-de-pied et fixée sur les côtés à l'aide de pointes fines. Les brides étaient fabriquées en Bretagne.

La taille des sabots se mesure en pouces à l'intérieur à l'aide d'une règle graduée: la bauge : de 3 pouces ½ pour les bébés à 9 pouces cu plus pour les adultes.

Les sabots de bébé comportent une talonnette en cuir fixée à l'intérieur du talon et s'élevant au-dessus de façon à former une tige de botte montante lacée de la cheville.











Finition de la pointe au paroir.

Les sabots sont souvent teintés en noir, brun ou en orange pâle, puis cirés ou parfois vernis. La profession de sabotier exige aussi des goûts artistiques, surtout pour la finition du sabot. La femme du sabotier donnait les touches finales à la décoration et à l'application du vernis. Elles portaient les sabots découverts appelés claques beaucoup plus légers et élégants, aussi appelés galoches ou Marie-Christine. Certains sabots étaient faits sur mesure pour les pieds déformés. Ils étaient modifiés à la demande. Un logement était creusait pour un durillon ou pour des doigts de pieds superposés.


















Réalisation du talon.


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Un sabotier pouvait fabriquer trois à quatre paires de sabots à la main par jour. Le travail était organisé à la semaine. Le lundi : tronçonnage des billots et fente des quartiers ; mardi : dégrossi et rondi, etc. Cependant, dans les années trente, des machines firent leur apparition, transformant lentement les anciens gestes. Après la guerre, la mécanisation s'est généralisée.






Réalisation du talon.

Le sabotier faisait à la main 3 à 4 paires de sabots par jour.
Aujourd'hui, les sabotiers n'habitent plus la forêt, et les sabots à peine traversent plus les chemins de Bretagne, et non plus sur les sols en terre battue des maisons des années d'après-guerre.

















 Séchage des sabots au feu de copeaux.


Les habitants ont troqué leurs sabots ou galoches contre des chaussures moins rudes au pied. Restent quelques inconditionnels qui préfèrent acheter vingt paires de sabots à leur taille pour que l'ouvrage soit rentable plutôt que de marcher en bottes ou tous autres godillots.











Amedé Aubry prépare avec soin 
sa gaulée qui sera expédiée.

Séchage, vernissage, décoration...

Bien que les sabots soient toujours utilisés dans certains occasions aujourd'hui, les sabotiers travaillent à présent beaucoup plus pour les touristes et diversifient les objets en bois qu'ils proposent afin de ne pas devenir eux-mêmes des « va-nus-pieds ».  









Sabots découverts appelés claques
galoches ou Marie-Christine.

Sabots de femme.



Images prises le 23 avril 2012 à La Chèze.





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©Productions José María Gil Puchol.

Photographe à Loudéac.

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Visitez le Musée des arts et métiers de La Chèze:

http://www.museedesmetierslacheze.jimdo.com



Vous pouvez consulter les oeuvres suivantes:

Maurice Langlois : " Au rythme des vieux métiers... en Haute-Bretagne".
Mémoires du pays de Fougères.
Maézoe, Institu d'Etudes Britto-Romanes.
3è édition. Imprimerie Nouvelle La Datinière. Parigny. 1996.


Marie-France Motrot : « Bretagne, images d'autrefois ».
Jean-Pierre- Gyss éditeur. 57703 Hayange Cedex. 2005. 

G. A. Kerboriou : « La Bretagne des nos Aïeux (La Vie, les Travaux, les Fêtes en Pays Gallo) ». Editions Danclau. 35800 Dinard. 1991.