La caravane de la Libération parcoure tous les ans le trajet Avranches-Brest afin de commémorer la libération de la Bretagne suite au débarquement des troupes alliées le 6 juin 1945 sur les plages françaises de Normandie. Un groupe d'amis collectionneurs d'anciennes voitures de guerre a créé le Military Vehicle Conservation Group afin de remémorer ce trajet avec la participation de bénévoles habillés en tenu d'époque.
Ces collectionneurs d'anciennes voitures militaires parcourent le même chemin emprunté par les GI américains de la Manche vers le Finistère. Le but de cette caravane est de reconstituer l'arrivée des troupes américaines dans les villes libérées avec la participation d'anciennes voitures de guerre. Ce jour 6 août 2014, ils sont arrivés en fin de matinée rue de Gouédic à Saint-Brieuc. Ensuite, ils ont assisté, avec la participation des autorités de la ville et militaires, à une cérémonie au Monument aux Morts.
Le maquis était un groupe armé paramilitaire créé pour combattre
les Allemands. En Bretagne, notamment dans le Finistère, les maquisards étaient
en nombre d’environ 3.500 hommes, dont 2.000 armées lors de l’été 1944.
Sur la côte nord bretonne, la tradition a voulu que les marins et
les corsaires aient été des forces acceptées par le pouvoir royal lors des
guerres contre les Anglais. Ces guerriers hors la loi ont joué un rôle
important lors des conflits internationaux de sorte que la Bretagne conserve
toujours cette fidélité de combattant. Ce n’est pas par hasard que pendant la
période de la 2nde guerre mondiale (1940-1944) le courrier de l’armée
des forces de la résistance adressé aux combattants français en Angleterre,
était pris en charge par le maquis breton. Acheminé par les Côtes-d’Armor, le
courrier était transporté par les bateaux de pêche à travers le canal de la
Manche.
Les Bretons étaient très bien informés du jour J lors du débarquement
allié sur les côtes françaises en Normandie. Ils seront nombreux à débarquer
avec les Américains et les Anglais. S’engager dans les actions de guerre ne va pas
sans risque, bien sûr, car le coût c’est la vie si on se fait arrêter par les
Allemands. Certains maires ont payé cher leur participation dans la résistance. C'est fut le cas de Pierre Guéguin, de Concarneau, fusillé par les Allemands, ou Louis Méhu, de
Plomeur, Alain Budes de Guébriant, de Saint-Pol-de-Léon et tant d’autres qui
ont donné leurs vies pour la liberté de la France.
Les parachutistes S.A.S français allaient intervenir sur le
territoire breton sous différentes missions : la mission
"Cooney" et l'opération "GROG" afin d’installer deux bases
SAS. : "Samwest" dans les Côtes-du-Nord et "Dingson"
dans le Morbihan.
Au
moment de l’occupation allemande, Saint-Brieuc, qui avait 40.000 habitants en
1940, était dans une zone délimitée par les Allemands dite la zone
côtière interdite. Un « laissez-passer » était nécessaire
pour traverser ce territoire et les Allemands prenaient en otages ceux qui
n’avaient pas de papiers pour les échanger ou les exécuter en cas de vengeance.
La Kommandantur ou bureau des officiers
allemands était installée à l’hôtel qui se trouvait sur le Champ de Mars à
Saint-Brieuc. Au tout début de la
guerre, les effectifs allemands étaient composés de 300 individus à peu-près,
des russes blancs inclus, appartenant à l’Armée Vlassov. On appelait les
Allemands les « dorifors », les « frisés » ou les
« frigolins ».
Le dépôt de munitions sera installe au lycée Anatole le Braz par les Allemands. Il sera endommagé par un
incendie le 4 août 1944, à cause de l’explosion d’un camion dans la rue de
Brest.
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La caravane de la Libération se dirige
vers le monument aux morts à Saint-Brieuc.
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Les anciennes véhicules militaires attirent l'attention des visiteurs et sont très appréciées des jeunes. |
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André Le Joliff chez lui. |
André
Le Joliff était un jeune de 18 ans qui habitait Saint-Brieuc en 1940. Né en
1922, il avait été convoqué par les autorités pour aller travailler obligé en
Allemagne. Voici la lettre de convocation :
« Sur l’ordre de l’autorité
Allemande, j’ai l’honneur de vous inviter à vous présenter au bureau d’embauche
Allemand de ST BRIEUC le 21 juin 1943 à 9 heures afin d’y signer un contrat de
travail pour l’Allemagne » ; au verso, on peut lire :
« La présente convocation et la carte de travail ont été remis à
l’intéressé le 24 juin 1943. »
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Certificat de recensement. |
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Carte de réfractaire. |
André,
comme tant d’autres jeunes, formait parti du groupe appelé les réfractaires, des
travailleurs forcés et obligés recrutés pour travailler dans les usines
allemandes faute de main d’œuvre partie en guerre. En cas de refus ou de fuite,
ils étaient considérés comme des terroristes. On pouvait être réfractaire à la
réquisition et au service au travail obligatoire en Allemagne. Pas tout le
monde était réfractaire, seulement les Français nés en 1920, 1921 et 1922
étaient requis par les autorités allemandes ( loi du 16 février 1943). Ils
iraient travailler en Allemagne sans recevoir de salaire dans les usines afin
de remplacer les Allemands partis en guerre. Ceux qui étaient nés avant 1919 et
après 1923 n’étaient pas appelés.
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Verso de la carte de réfractaire appartenant à André Le Joliff. |
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André Le Joliff montre ses documents. |
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Jeunes habillés en maquisard
participant à la caravane de la Libération. |
Une visite
médicale était dirigée par des médecins allemands afin de vérifier la santé des
français qui allaient partir. Cela va de soi que tout le monde était bon pour
monter dans le train. Avec eux, se trouvaient aussi des ecclésiastiques
français en soutane pour les accompagner en Allemagne.
André
ne s’est pas présenté lors qu’il a été convoqué par les autorités allemandes.
La police est allée le chercher chez lui, en assurant à son père qu’il n’avait
pas signé le contrat au bureau d’embauche allemand à Saint-Brieuc. Son père, ne
sachant rien de tout cela, répondit que son fils avait été convoqué et était
parti en Allemagne. Désormais, André resta marqué d’une croix rouge sur son
casier judiciaire (bien sûr, il a été amnistié après la guerre) et son nom affiché
à la mairie de Plouffragan pour le rechercher.
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Fausse carte d'identité appartenant à André Le Joliff. |
Pour se
déplacer librement sur le territoire, il s’est fait faire une fausse carte
d’identité. Si sa vraie identité est André LE JOLIFF, né le 5 décembre 1922,
habitait 42, rue de Gouédic, à Saint-Brieuc ; sur sa fausse carte est écrit
:
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Carte de travail appartenant à André Le Joliff. |
Pour s’éloigner
des Allemands, André a travaillé comme ouvrier agricole caché dans les fermes des Côtes d’Armor.
Il a travaillé à Plouguenast
chez M. Pouplard, au lieu-dit « La langue du cran » et plus
tard à l’Harmois, au lieu-dit « Le Bonha ». Ses sœurs venaient le voir en
vélo de Saint-Brieuc. Un jour, des gars sont venus : « On sait que tu
te caches. On peut compter sur toi pour combattre les Allemands ? »
Il y avait un parachutage prévu organisé par le maquis de Corlay où deux
parachutistes étaient les formateurs et se trouvaient aussi deux gendarmes déserteurs
en tenu.
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Participants bénévoles à la caravane de la Libération. |
Dans la
ferme, les ouvriers mangeaient très bien : des galettes de froment de 40 cm
de diamètre, du bon lard salé, des volailles, de la viande de bœuf, des œufs,
du lait. Le pain devait être acheté avec des tickets.
Le
bureau de la Kommandantur a quitté Saint-Brieuc le 31 juillet et plus
tard, le 3 et 4 août partiront discrètement et en silence la Gestapo et la
Feldgendarmerie.
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Les visiteurs s'intéressent aux détails des anciennes voitures militaires. |
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Quelques membres de la caravane de la Libération. |
Les
Américains débarquèrent en Normandie le 6 juin 1944 et, parti d’Avranches, un
convoie se dirigeait vers la Bretagne. Les Américains en Bretagne n’ont pas
dépensé beaucoup de balles, car les Allemands partaient la nuit, en petits
groupes, en cachette. Deux jours avant l’arrivée à Saint-Brieuc des forces de
libération américaines, les FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) avaient
combattu avec rage dans certains coins bretons.
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André Le Joliff le 6 août 2014. |
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Véhicules de la caravane de la Libération. |
Dix
jours avant la libération, afin de se rendre à Saint-Brieuc, André a rejoint son
copain Albert Laporte, ami de sa sœur. Les FFI recrutent des volontaires pour accompagner
les forces alliées. Albert a réussi à s’inscrire mais lorsqu’André arrive la
liste était complète.
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L'armée française rend hommage aux morts. |
Deux
jours avant la libération, c’était la folie à Saint-Brieuc. André attendait
voir les forces américaines arriver à Saint-Brieuc de ses propres yeux et
traverser rue de Gouédic où il était né en 1922. La BBC rapporte depuis Londres
le 2 août que les Américains sont en Bretagne sur les routes de Rennes et de Saint-Malo.
Les gens attendent avec impatience ce jour-même la caravane bouquet de fleurs à
la main à Saint-Brieuc. Vers 15h, des soldats allemands en fuite créent la
panique et des coups de feu s’entendent dans la ville. Désormais, Saint-Brieuc
reste sans autorité officielle pour contrôler la ville.
Les FTP
et les FFI accompagnées des autorités civiles prendront en charge la ville dans
l’après-midi du 4 août 1944 : Gabriel Gamblin sera le responsable de la
préfecture, Henri Avril présidera le comité de Libération et Charles Royer prendra
des responsabilités à la mairie.
Si les Allemands
sont déjà partis, les troupes russes se trouvent encore en ville et un accrochage
se produit avec les Français rue de Rennes lors que les Russes Blancs prennent
la fuite vers le terrain d’aviation de la Plaineville. Ces soldats russes sont
redoutables et font très peur à la population mais ne veulent pas se rendre
tout de suite, ils attendent les forces militaires pour le faire.
André
attend avec anxiété l’arrivée des forces américaines et il ne sait pas que les
Américains sont déjà au sud de Saint-Brieuc. Le général Grow a traversé
Merdrignac et Loudéac et se dirige vers Brest. Cependant, le colonel Eon, appartenant à la
mission Aloes et chef des FFI de Bretagne, a été parachuté à Kérien le 4 août.
Avec ses officiers, le commandant Dupérier, major Rees de l’OSS, chef du 4è
bureau ainsi que le lieutenant US et major Elwes SAS, sont à Saint-Brieuc et
négocient la reddition des forces russes.
Le 6
août vers midi, des chasseurs-bombardiers P47 Thunderbolt de la 9e
USAAF américaine lancent des bombes sur Saint-Brieuc sans faire de morts :
à l’angle des boulevards Charner et Clémenceau, à la ville Hesry et près de l’école
Curie. N’ayant aucune justification à ce bombardement, c’était pour empêcher le
réveil des forces ennemies autour de Saint-Brieuc ?
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L'armée française rend hommage aux morts. |
Finalement,
provenant de la rue Paul Bert et du quartier de Gouédic, vers 17h, André et les
habitants fous de joie lancent des cris et des acclamations en saluant l’arrivée
de l’impressionnante caravane alliée qui arrive. L’émotion et la joie était
immense et indescriptible raconte André. Une grande quantité de véhicules
militaires d’infanterie roulait à vitesse modérée : des jeeps, des half-tracks
et des impressionnants chasseurs de chars. La foule, nombreuse et joyeuse sur
les trottoirs, salue les Américains, fatigués et pleins de poussière, surpris
par ce chaleureux accueil briochin. Ils se joignent aussi à la célébration et
participent de l’enthousiasme collectif indescriptible : un moment très attendu de la part des Français qui ont été retenus
en otages chez eux par les forces allemandes pendant si longtemps. Les gens
crient, pleurent, s’embrassent. La foule ouvre les bouteilles pour les partager
et boire à la santé des libérateurs.
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L'armée française rend hommage aux morts. |
Les
forces armées américaines montent la côte rue de Gouédic vers place Duguesclin.
Avant de tourner à gauche, les Américains peuvent lire une pancarte en face :
WELLCOME !! Les soldats
distribuent des chocolats et des cigarettes aux Briochins rassemblés sur les
trottoirs pour regarder le long convoie libérateur. Avant d’arriver au
carrefour, le convoie s’arrête et un officier descend du Jeep pour parler avec quelqu’un. Un spectateur pointe du doigt un officier en tenu plus foncée assis
dans un Jeep : C’est Paton !!
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L'armée française rend hommage aux morts. |
Afin de
libérer Guingamp, les 15e et 17e groupes de cavalerie américaine
prennent la route le 7 août accompagnés des FFI. Les jours après, les Briochins
seront les témoins de l’impressionnant défilé des éléments du VIIIe corps,
notamment de l’artillerie lourde qui se dirige vers la libération de Brest. Ce
jour même, le lendemain de la libération, Albert Laporte, ami d’André,
conduisant un camion dans une caravane de l’armée française, sera tué par une
bombe lors de la traversée de la Meuse.
Le
nouveau préfet de Bretagne, le docteur Le Gorgeu, s’adresse aux habitants de
Saint-Brieuc le 12 août pour annoncer l’arrivée de l’ordre et de la liberté au
pays.
Après
la guerre, tout était détruit, surtout à la SNCF, où nombreux chemins de fer et
des locomotives avaient été endommagés ou détruits. André a travaillé à la gare
de Saint-Brieuc, avec 1000 autres collègues, comme agent à l’atelier où il réparait les chaudières des locomotives. A cette époque, André se rappelle que tout le
transport se faisait par train. Entre les locomotives à vapeur les plus
performantes après la guerre, il y avait la 230, 231, et 241. Plus tard, avec
le plan Marshall, une machine qui débitait le charbon toute seule, la 141-R,
arrive des USA. Ensuite, elle sera transformée en diesel.
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André Le Joliff le jour de la commémoration de la Libération de Saint-Brieuc
le 6 août 2014. |
André
s’est marié en 1946 et a eu un garçon en 1951 et une fille en 1962.
Aujourd’hui,
il habite Pordic, dans les Côtes-d'Armor.
Bravo à toi, André, pour ton courage
et merci beaucoup pour ton précieux témoignage.
Images prises le 6 août 2014 à Saint-Brieuc (22)
Productions©José María Gil Puchol
Photographe à Loudéac 22600
FRANCE
https://gilpuchol.wixsite.com/pucholphotographie
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https://www.youtube.com/watch?v=c6eVYQV8XL8&t=216s
Sources
consultées pour la réalisation de cet article :
Robert Aron : « Histoire de la Libération de la France »
[tome II juin 1944-mai 1945, chapitre III consacré à la "Libération de la
Bretagne"].
Bulletin
d’information de la ville de Saint-Brieuc n° 63 et n° 64, publiés par le
Griffon, 1994.
Hors-série
Le Télégramme « La Bretagne libérée », p. 15. Roger Huguen.