Avec les temps modernes, Pont-l'Abbé se modernise. Un ancien moulin datant du moyen-âge a été remplacé par une machine à turbines qui tournent grâce à la force de l'eau de la rivière. Le château féodal accueille la mairie, il ne restait de ce vieux bâtiment qu'un donjon avec une horloge.
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Le groupe de danse bretonne "La truite du Ridor". |
Ils décrivent comment les habitants s'habillent, car pour ces voyageurs peu habitués venant de Rennes, est bizarre. On sait que chaque coin de Bretagne a sa manière particulière de s'habiller et que les vestes et les coiffes du Pays Bigouden sont différentes à celles de la Côte du Goëlo ou du Golf du Morbihan, par exemple. Ici, sur les images, les hommes et femmes du groupe "La Truite du Ridor" de Plémet portent le costume traditionnel du pays de Loudéac. Les descriptions apportés par ces deux voyageurs sont magnifiques: A Pont-L'abbé, "Les hommes portent trois vestes noires superposées, de différentes longueurs, garnies de franges, et sur la lisière, les fils de soie inscrivent parfois de graves devises ou des sentences funèbres..."
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Le chapeau breton. |
"Leur chapeau à long poils, aux bords assez étroits sont ornés d'un triple ruban de velours retenu par des boucles de plomb ou d'argent. Dans le grand col mou des chemises coupant les oreilles, leur visage prend des aires de joyeux pots de fleurs enveloppé de papier blanc".
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Costume du pays de Loudéac. |
Ils continuent tout en expliquant que "le vêtement des femmes est plus bizarre encore. Leur robe se compose de plusieurs jupes étagées bordées de galons orange; leur corsage, d'un large plastron brodé de jaune clair, de vermillon et de vieil or, - à peu près semblable à celui des hommes - de manchettes courtes enluminées des mêmes couleurs et flottant en manière d'ailettes sur leurs bras moulés d'un tricot de laine. Un tablier de teinte gaie, amarante, lilas, azur, gorge de pigeon, se suspend à leur ceinture par de longs rubans flottants".
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Chemin vers la pointe de la Torche. |
Ils quittent Pont-l'Abbé pour visiter la Pointe de la Torche. "Des auberges aux fenêtres ouvertes, sortent des propos et des chants de buveurs en gaieté. D'élégantes carrioles, grillagées de fuseaux, roulent au grand trot de leurs chevaux, ramenant de la ville des laboureurs endimanchés". Sur le chemin, ils traversent Plœmeur, où ils trouvent sur le bord de la route, des bois de pins, des ramures d'ifs, des sapins, des bruyères, des lavandes, des serpolets qui produisent "des parfums brûlés par les étés dans les cassolettes des fleurs. Un fin brouillard bleu, comme une fumée d'encens s'évapore entre les colonnes droites des troncs".
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La Torche: un pays aride, une plaine nue. |
Ils disent arriver dans un pays "aride, semé de mégalithes de tous genres. Rien ne saurait donner une idée de l'infinie immobilité de cette plaine nue, ouverte au vent de mer et n'ayant pas l'ombrage d'un seul arbre. Un maigre sol s'étend à perte de vue couvert d'épis rares et courts dont la moisson est commencée à peine. Ce n'est certes pas beau, mais c'est déjà très grand, et nulle part mieux que là peut-être, nous avons senti le véritable caractère mélancolique de notre chère Bretagne. On se sent vivement impressionnés devant ce paysage".
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Les blokhauss sont peu à peu engloutis par la mer. |
"L'été tombe en pluie d'or sur tout le paysage, et dans la paix somnolente de l'air chaud, troublée de grillons babillards, les cloches lentement tintent l'appel de vêpres. Pour gagner l'Océan, nous traversons un amas de misérables cabanes basses, terrées dans des creux pour échapper aux terribles tempêtes soufflant du large. Alentour s'étendent quelques carrés de pommes de terre, de choux étiques et clairsemées, des dunes où des moutons bruns paissent l'herbe rare".
Tout autour de la Torche est envahi par de grands tas de rochers qui sont frappés par les vents qui soufflent ainsi que par le fouet des vagues qui s'écrasent en continue. Tout les deux déversent leur énergie comme une colère contre ces rochers de la Torche. Cette furie a créé un paysage aride, vide, désolé produisant des écueils, du sable, une petite couche verte qui se plie lorsque le vent siffle. Ici on peut voir vraiment que la mer et les vents jouent un rôle destructeur à grande vitesse sans aucune limite.
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Le saut du moine. |
"Le rocher de la Torche se dresse comme un défi à l'extrémité d'une petite presqu'île rongée des flots. Il est formé de deux blocs superposés, séparés du massif principal par une brèche énorme appelée le saut du moine. Une légende raconte qu'un moine aurait disparu dans l'abîme en voulant le franchir. D'après une autre légende, saint Vouga abordant d'Irlande en Armorique précisément en cet endroit, aurait accompli sans accident ce saut miraculeux".
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Les visiteurs regardent le déchaînement de la nature. |
Les auteurs, à l'arrivée, sont saisis des forces de la nature et expriment les sentiments que cette visite leur fait éprouver. Du sommet, on peut observer la baie d'Audierne, "encerclée de blanches vagues se ruant avec furie. C'est autour de nous une agitation, un frémissement perpétuel. Toutes les sonorités éparses forment une étrange musique au rythme capricieux et heurté, un ensemble grandiose de chœurs et d'instruments".
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Nous sommes seuls et libres... |
"Des milliers de voix confuses retentissent, les unes dolentes, plaintives, disant comme une chanson d'amour ou de regret; les autres rauques, emportées, clamant la colère farouche, inassouvie. Puis, c'est un accompagnement formidable où l'oreille attentive distingue le bruit des galets croulant en cataracte avec des roulements sourds de timbales et de tambours, celui des notes cristallines de harpes, égrenées par l'eau s'écoulant des roches, des soupirs attendris et berceurs de violoncelle que la brise exhale dans les herbes en sourdine, des suaves sons de flûtes lancés par les courlis. Nous sommes seules et libres en notre rêverie. A force de regarder, l'imagination s'égare et se trouble de visions".
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A la Torche, on ne peut que s'arrêter regarder, écouter et sentir. |
A la Torche, on ne peut que s'arrêter regarder, écouter et sentir.
On est saisis d'un extraordinaire sentiment inexplicable, l'imaginaire "...perçoit comme des strideurs irritées de cuivres, comme des caresses de violes vibrant sous des archets frôleurs. Mais toute cette masse orchestrale convergeant vers la Torche, se fond en une puissante et surhumaine harmonie d'une intensité poignante d'expression. Cette grande hymne majestueuse, comme le génial Wagner n'en composa jamais, vous soulève, vous transporte, vous fait passer dans les cheveux des frissons d'étrange volupté, vous ébranle jusque dans les fibres les plus intimes; et votre âme elle-même résonne et se noie et s'abîme dans l'immense symphonie de la mer".
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A cause des fortes rafales, le surf est le sport idéale à la Torche. |
Dans la mouvance de l'orage et de tous les éléments, nos voyageurs se sentent ivres par l'énergie du paysage : "Par moments, les rochers semblent osciller, toute la terre tremble sous le choc des lames prenant leur élan de l'extrémité de l'horizon. Là-bas, un roc me paraît un ermite encapuchonné, tourné vers l'Océan en une méditation éternelle: il lit sans doute cet immense bréviaire aux pages d'azur, aux lignes brisées, vivantes, changeantes..."
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On a le temps aussi de lancer une ligne à la mer. |
"...et psalmodiant elles-mêmes leurs proses. Des vagues font pleuvoir une fine rosé, en larges coups de goupillon, comme des officiants aspergeant les catafalques. D'autres s'avancent majestueuses, traînant après elles de longs voiles blancs et des rubans argentés, puis dansent et tourbillonnent pareilles à des vierges sur les granits en poussière diamantée".
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La Torche est visitée toute l'année. |
"Jadis, les habitants de ces côtes attachaient dans les nuits sombres d'orage, des lanternes aux cornes de leurs bœufs. Les vaisseaux égarés dans les parages prenaient ces lueurs, oscillant régulièrement au pas des animaux, pour des fanaux d'autres navires, et attirés par ces lumières trompeuses, ils venaient s'éventrer sur les récifs du rivage. Que de détails affreux on pourrait donner sur cette criminelle industrie où les sauvages riveraines trouvaient leur subsistance et une pâture à leurs orgies. Il y a soixante ans à peine, on ne pouvait les empêcher de se précipiter à la curée, et quelquefois ils massacraient les soldats envoyés pour s'opposer à leurs pillages".
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Restes de la Séconde Guerre Mondiale. |
Peu à peu, ils en étaient arrivés à considérer ces actes odieux - exagérés à plaisir par de trop nombreux romanciers - comme l'exercice d'un simple droit, comme une contribution légitimement prélevée sur les vaisseaux battus par la tempête et envoyés à eux par le Dieu terrible de la mer. Ils ne faisaient qu'aider son oeuvre: ceux que l'Océan maltraite ne sont-ils pas de maudits".
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La mer est une vache qui met bas pour nous. |
"La mer - disaient-ils en leur langue imagée - est une vache qui met bas pour nous". Ce préjugé, fort ancien, puisque nous le retrouvons à l'origine de tous les peuples, dut se fortifier surtout au temps où Anglais ou Normands infestaient la côte bretonne. Tous les navigateurs étaient regardés comme des pirates, des ennemis; on se croyait permis d'être impitoyable avec eux, et l'on bénissait l'orage couvrant les flots de leurs débris".
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Les Anglais et les Normands infestaient la côte bretonne. |
"Recueillir ces épaves, fut d'abord la prérogative des seigneurs. Les évêques exerçaient le droit de bris sans plus de remords que le vicomte Hervé de Léon. Celui-ci possesseur d'une vaste étendue de côte avait coutume de dire en riant: "Vous voyez ma couronne, les pierreries en sont belles; mais j'ai un joyau plus précieux que tous ceux-là, une pierre de plus grand prix". Et il désignait du doigt un écueil fameux en naufrages".
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Le mysticisme habite en forme de monument lithique. |
Ils quittent la pointe de la Torche pour continuer leur chemin vers Saint-Gwénolé. Ils restent toujours impressionnés par cette terre aride, rude et en même temps surprenante et magique où habite le mysticisme en forme de monument lithique.
"Épars dans cette vaste plaine de sable et de marécages constituant le sol du cap, se dressent des menhirs et des tombelles, s'accroupissent de frêles hameaux. Les clôtures, les murs des cabanes, tout a été construit avec les matériaux de l'ancienne ville disparue. Les chaumes des toits sont recouverts de grosses pierres qui les empêchent d'être enlevés par la violence du vent".
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Des constructions restent endormies dans les profondeurs. |
Je ne vais pas oublier le grand écrivain que fut Jacques Cambry, auteur qui nous a fait découvrir beaucoup de choses au large de la côte de Penmarc'h et du Finistère.
D'après lui, les anciens marins rapportèrent qu'entre le Guilvinec et Penmarc'h de constructions préhistoriques se dressaient tout au long à une profondeur de 5 mètres.
Il paraît aussi que les Iles des Glénants furent occupées par l'homme, où se trouvaient au XIXè siècle en profondeur des grandes voûtes que leurs habitants avaient construites. "Des marins attestent avoir vu, a une demie-lieue dans l'ouest de l'Ile-aux-Moutons, un mur, une grande voûte faite de mains des hommes, à plus de 8 mètres de profondeur, au fond de l'eau. On ne peut les apercevoir que par les plus grandes calmes". Cela veut dire que la terre ferme était plus loin auparavant et que la mer gagne du terrain à force de ravager le littoral. A l'île du Lok, à l'ouest de l'Ile aux Moutons, pas loin de là, des constructions et formations préhistoriques restent endormies dans les profondeurs.
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Il y a toujours une minute pour le romantisme. |
C'était un extrait de l'extraordinaire récit de A. Cloüard et G. Brault in "Tro-Breiz", Tour de Bretagne en breton, paru en 1892 à Paris.
Cambry, "Voyage dans le Finistère", Tome III.
Un bel exemple du romantisme du XIXème siècle.
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